vendredi 24 août 2007

Les risques liés au droit de la concurrence, un "hot topic"


La réunion annuelle de l’ABA (American Bar Association), comme je l’ai évoqué dans un post précédent, est un congrès très important qui permet aux avocats américains de discuter de sujets extrêmement différents. Parmi les «hot topics », certains ont tout particulièrement attiré mon attention dans la mesure où ils relèvent de domaines couverts par les travaux du Pôle LegalEdhec sur la Performance Juridique. Un atelier a ainsi été dédié au problème de la « dilution des marques ». Judicieusement intitulé « From Victoria’s Secret to Louis Vuitton », cet atelier a permis de faire le point sur les stratégies que les entreprises peuvent développer en vue de préserver la vitalité de leurs marques, en particulier dès lors qu’elles deviennent fameuses. Quels sont les critères pour qualifier une marque de « fameuse » ? Quels comportements peuvent provoquer la dilution de cette dernière ? Comment le risque de dilution se différentie t’il du risque de contrefaçon ? Les problématiques de propriété intellectuelle sont également abordées sous l’angle de l’harmonisation internationale. Dès lors qu’une entreprise dispose d’un portefeuille de marques (ou tout autre actif pouvant être qualifié de « propriété intellectuelle ») déployé à un niveau international, se pose la question du management de ce portefeuille dans un contexte de globalisation.

En matière de droit de la concurrence et d’amélioration de la performance, on peut noter une session sur les risques liés aux partenariats, associations commerciales et pratiques de benchmark, à partir du moment où ces pratiques sont le fait d’entreprises concurrentes. En d’autres termes, comment échanger de l’information entre concurrents et en tirer un certain bénéfice, tout en mesurant les risques inhérents aux dispositions du droit de la concurrence ? La mesure des risques liés au droit de la concurrence et à sa confrontation aux pratiques de prix menées par les entreprises est de plus en plus d’actualité. En effet, British Airways et Korean Air vont devoir payer $300 million chacun, après avoir admis devant la Federal District Court de Washington qu’ils s’étaient accordés pour fixer les prix des vols internationaux, en les augmentant de manière artificielle afin de répondre à la hausse du prix du carburant. Les sanctions pécuniaires pour les deux compagnies ont été réduites dans la mesure où elles ont collaboré avec les enquêteurs. La compagnie coréenne a déclaré qu’elle était très concernée par « l’antitrust compliance » et qu’elle veillerait à ne pas renouveler cette conduite répréhensible. Plusieurs questions peuvent être ici posées et rattachées à la problématique de performance juridique. Le risque de voir leur entente illicite détectée et sanctionnée a-t-il été anticipé par ces deux entreprises ? Ont-elles considéré, dans cette hypothèse, que ce risque était stratégiquement souhaitable, eu égard au niveau de profit réalisé ? Ont-elles mis en place des programmes de compliance ? Il est à noter que British Airways a aussi fait l’objet, en août et en Grande-Bretagne, d’une sanction de $246 million pour des faits comparables. Il est vrai que le secteur du transport aérien est particulièrement concurrentiel, avec des clients finaux s’interrogeant régulièrement sur les causes des tarifs élevés des billets d’avion… Pour plus de détails sur cette affaire, consulter utilement l’excellent blog dédié au droit antitrust "antitrustlawblog".

Pour rester dans le champ du droit de la concurrence, j’aimerais rapidement évoquer la récente mise sur le marché de l’Iphone. Le nouveau produit d’Apple était très attendu ; sa « sortie » a occasionné de longues files d’attente, certains « apple maniacs » étant prêts à attendre des heures pour acheter ce qui était annoncé comme une bombe commerciale et technologique. Sans entrer dans une analyse du produit en lui-même et de ses qualités et défauts, d’autant que je ne l’ai pas acheté (principalement pour les raisons que je vais évoquer), la mise sur le marché de l’Iphone fait naître certaines questions en matière de droit de la concurrence. En effet, l’Iphone ne peut être acheté aux Etats-Unis que couplé à un abonnement auprès d’AT&T, l’un des fournisseurs américains de services téléphoniques. Cette entrave à la liberté du consommateur de pouvoir choisir son fournisseur de téléphonie mobile, dès lors qu’il souhaite utiliser un Iphone, suscite évidemment certaines hostilités. Une campagne intitulée « Free the iphone » a été lancée en vue de promouvoir un internet ouvert et une politique publique en matière de téléphonie mobile qui soit tournée vers la satisfaction des consommateurs. Le site freetheiphone.org coordonne une vaste campagne d’activisme. Son objectif est d’obtenir de la part du Congrès américain et de la FCC une intervention qui pousserait à la création d’un « libre marché de l’internet sans fil ». Ce site, lui-même très « user friendly », manque néanmoins d’un raisonnement juridique. Cela viendra peut-être…Les acheteurs américains de l’Iphone doivent souscrire un contrat d’une durée de deux ans avec AT&T, qui est le seul distributeur aux Etats-Unis. Les utilisateurs ne peuvent accéder à Internet que par le biais du réseau AT&T, sauf s’ils arrivent à se connecter à un spot wifi. De plus, l’Iphone ne fonctionne qu’avec les logiciels vendus par Apple et AT&T. Il convient de préciser que d’autres fournisseurs de téléphonie mobile, tels que Verizon, développent les mêmes pratiques. Certains estiment donc que la FCC (Federal Communications Commission) va être amenée à intervenir. Les fournisseurs de téléphonie, avancent que ces partenariats permettent d’offrir des prix plus bas que ceux pratiqués à l’étranger, et notamment dans l’Union Européenne. Apple a plusieurs raisons de ne pas vouloir que l’Iphone soit « débloqué » (lire le post sur le Blog "Apple Matters").

Nous retrouvons en l’espèce le désormais classique débat en droit de la concurrence. En d’autres termes, où fixer la frontière entre une légitime utilisation du droit des contrats par une entreprise (en l’espèce Apple), dans le but d’assurer la meilleure promotion possible de son produit, et une légitime liberté de la concurrence, pour le plus grand bien-être des consommateurs ? En quoi le comportement d’Apple et d’AT&T pourrait-il être qualifié d’entente illicite sanctionnable (voire même d’abus de position dominante) ? Une réponse à cette question nécessite une analyse très poussée, notamment quant au marché pertinent. Mais on ne peut contester que ce débat soit capital, en particulier dans des secteurs d’activités où la demande est forte et les innovations technologiques rapides et fréquentes. Un Blog consacré à au droit de la propriété intellectuelle et aux politiques d’innovation en Inde, développe une analyse « comparée » quant aux implications du contrat «Apple-AT&T » au regard du droit de la concurrence US, européen et indien.