jeudi 16 octobre 2008

L'Intelligence Juridique




J'ai assuré hier une intervention dans le cadre d'un séminaire de deux jours organisé par l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN) et dédié à l'Intelligence Juridique. L'IHEDN a été précurseur sur ce thème, qui s'inscrit plus généralement dans la thématique de l'intelligence économique. Ce type de séminaire contribue à donner plus de visibilité à l'approche stratégique du droit, et à la dissémination de de cette approche auprès d'un public dépassant largement la sphère habituelle des juristes.

Le renforcement des obligations de transparence pour les sociétés cotées




Les questions de contrôle des risques, de transparence, de gouvernement d'entreprise et de "compliance" sont de plus en en plus au coeur des débats, et la crise financière actuelle ne fait que renforcer le phénomène. Il est important de souligner que la "compliance" ne se limite pas à la conformité réglementaire; elle peut être définie comme étant le fait d’entreprendre des activités ou d’établir des pratiques ou des politiques conformes aux exigences ou aux attentes d’une autorité externe. La loi NRE du 15 mai 2001, la loi Sécurité Financière du 1er août 2003, le Réglement Général de l'AMF, l'article 46a) introduit dans la Directive 78/660/EEC sont autant de textes apportant des pierres à l'édifice de la transparence pour les sociétés cotées. Dans certains pays de l'UE se sont développés des mécanismes de "comply or explain" (Allemagne, Espagne, Royaume-Uni...), et la France s'en approche.

En effet, l'article 26 de la loi du 3 juillet 2008 énonce que "Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, le président du conseil d'administration rend compte, dans un rapport joint au rapport mentionné aux articles L. 225-100, L. 225-102, L. 225-102-1 et L. 233-26, de la composition, des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil, ainsi que des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place par la société, en détaillant notamment celles de ces procédures qui sont relatives à l'élaboration et au traitement de l'information comptable et financière pour les comptes sociaux et, le cas échéant, pour les comptes consolidés. Sans préjudice des dispositions de l'article L. 225-56, ce rapport indique en outre les éventuelles limitations que le conseil d'administration apporte aux pouvoirs du directeur général. Lorsqu'une société se réfère volontairement à un code de gouvernement d'entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises, le rapport prévu au présent article précise également les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l'ont été. Se trouve de surcroît précisé le lieu où ce code peut être consulté. Si une société ne se réfère pas à un tel code de gouvernement d'entreprise, ce rapport indique les règles retenues en complément des exigences requises par la loi et explique les raisons pour lesquelles la société a décidé de n'appliquer aucune disposition de ce code de gouvernement d'entreprise. Le rapport prévu au présent article précise aussi les modalités particulières relatives à la participation des actionnaires à l'assemblée générale ou renvoie aux dispositions des statuts qui prévoient ces modalités"Chacun appréciera le caractère quelque peu vague de la formule "Lorsqu'une société se réfère volontairement à un code de gouvernement d'entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises, le rapport prévu au présent article précise également les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l'ont été." Que doit-on entendre par "organisations représentatives des entreprises" ? Quid si la société ne respecte pas ce "comply or explain".

Pressé par le gouvernement, le MEDEF et l'Afep ont récemment publié un document intitulé "Recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé". Cette recommandation a été qualifiée à plusieurs reprises de "Code de gouvernement d'entreprise". Est-ce réellement le cas ? De plus, certaines de ces dispositions posent question quant à leur réelle efficacité. Ainsi, concernant le cumul "mandat social / contrat de travail", quid si le contrat de travail est avec une autre société que celle dans laquelle le mandat social est exercé...?

mardi 14 octobre 2008

Pour un droit de la consommation plus lisible...et appliqué !



Stigmatiser l'augmentation régulière de la complexité du droit, tant dans sa dimension computationnelle (volume des normes juridiques) qu'informationnelle (interprétation des normes) est devenu un exercice malheureusement récurrent. Les mesures développées par les autorités européennes pour assurer une meilleure protection des consommateurs en constitue une parfaite illustration. En effet, la succession de directives en la matière ne favorise pas la lisibilité du droit, ce qui est d'autant plus regrettable qu'Internet a rendu les problématiques et les politiques de protection du consommateur totalement trans-nationales.


La Commission européenne semble en avoir conscience. La Commissaire chargée de la protection des consommateurs a ainsi déclaré que "Nous avons besoin d'un filet de protection pour les consommateurs: un ensemble de droits leur conférant la sécurité nécessaire pour pouvoir faire leurs achats partout dans l'UE, en toute tranquillité". L'objectif de la Commission est donc d'aller vers plus de simplication, de protection, et de lisibilité, ce qui est non seulement dans l'intérêt des consommateurs, mais également des entreprises pour lesquelles le coût de la conformité réglementaire peut diminuer en même temps que les normes s'éclaircissent.


Au même moment (enfin presque...le 30 septembre), SFR est condamné à payer 30.000 euros de dommages et intérêts à l'association UFC-Que Choisir. Etaient en cause des clauses abusives figurant dans les contrats d'abonnement à la téléphonie mobile. Dans une analyse de pure rationalité économique, on peut penser que ce montant "n'est pas cher payer"... La mise en place de l'action de groupe dans notre système juridique pourrait singulièrement contrarier l'évaluation actuelle du "coût judiciaire probable".

Editer des contenus ou offrir l'accès aux réseaux : faudra t'il choisir ?

On le sait bien aujourd'hui : l'avenir des opérateurs téléphoniques et internet, comme celui des fournisseurs de programmes et de services, passera avant tout par l'offre de contenus. Mais n'y a t'il pas un risque de distorsion de la concurrence, au détriment des consommateurs, si les opérateurs de réseaux deviennent des acteurs actifs en matière de fourniture de contenus ? Il serait naturel que les opérateurs cherchent à se doter d'avantages stratégiques. Dans
la Lettre n°63 de septembre-octobre 2008, publiée le 6 octobre, le Président de l'ARCEP détaille et analyse avec pertinence ce risque, et évoque les possibles solutions. Il reste à savoir, une fois de plus, où doit être fixée la limite entre préservation des intérêts des concurrents - et des consommateurs - dans un système de libre concurrence, et liberté d'entreprendre et de développer sa stratégie...