samedi 4 août 2007

Chicago, fin du périple : Northwestern School of Law


Northwestern School of Law, comme sa "concurrente directe" de l'Université de Chicago, fait parti du "top" des Facultés de Droit nord-américaines. Il est vrai qu'elle bénéficie d'une belle brochette d'enseignants-chercheurs, dans des domaines très divers. J'ai eu le plaisir de rencontrer certain d'entre eux, grâce à la disponibilité et la gentillesse de Jim Speta. Ce dernier est donc professeur à la Northwestern University School of Law, spécialisé en droit de la concurrence, télécommunication, sachant qu'il enseigne également la propriété intellectuelle et le droit des sociétés. Il m'a fait l'honneur de me présenter au Dean de la Law School, David E. Van Zandt. Le déjeuner m'a donné l'occasion de rencontrer l'Associate Dean for Academics Affairs, Mayer Freed, spécialisé en droit du travail, Stephen B. Presser, Professeur de Legal History et de Business law (présent en fait à la fois dans la Law School et la Business School) et très réputé dans le domaine du droit constitutionnel, Carole Silver, Senior Lecturer, dont le domaine de prédilection est l'impact de la globalisation sur le droit et les juristes (métiers, profils, etc.), et un autre professeur.

Après avoir discuté avec James Speta des projets de recherche que nous développons dans notre Pôle d'Excellence et de ses travaux actuels en matière de droit de la concurrence et télécommunications, nous abordons assez longuement la question de la formation des juristes, et en particulier de l'intérêt de suivre une double formation "droit/business". Cela fait plusieurs années que la Law School de Northwestern et la Business School (Kellogg School of Management) co-gèrent un programme "joint" JD-MBA (se déroulant sur une durée de 3 ans). Ce programme permet donc aux étudiants de suivre une formation débouchant sur un double-diplôme. Son contenu correspond à un équilbre entre formation juridique (droit de la responsabilité, droit pénal, droit des contrats, procédure civile, etc.) et formation en management (comptabilité pour la prise de décision, mathématiques pour la prise de décision, business strategy, finance, marketing management, etc.), sans oublier un certain nombre de cours "mixant" les disciplines. Ce programme est très alléchant et correspond à une demande croissante des entreprises en matière double formation. J'explique à mes interlocuteurs que ce phénomène est très important en France au niveau des grands cabinets d'avocats d'affaires,ceux-ci recrutant majoritairement des "double formation". Je leur explique aussi que c'est pour cette raison qu'un certain nombre de jeunes diplomés EDHEC ont pu bénéficier, d'une façon ou d'une autre, d'une double formation et d'un double diplôme, et que nous disposons à l'EDHEC depuis presque 15 ans d'une Majeure Ingénierie Juridique et Fiscale.

Il apparaît également qu'un très faible nombre d'étudiants français se rendent à Northwestern pour y réaliser un LLM. Certes le coût peut être dissuasif pour un jeune français, mais ce type de programme présente par ailleurs de nombreux attraits, notamment au niveau de la connaissance du système de common law et l'ouverture à d'autres modes de raisonnement et de résolution de problématiques juridiques.

Carole Silver, avec qui je discute plus amplement de nos projets de recherche, me signale fort à propos que se déroule à San Francisco, à partir du 10 août, le grand congrès de l'ABA (American Bar Association). Certains ateliers ont l'air passionnant. Elle est d'ailleurs en train de réaliser une étude sur les profils des lawyers dans les firmes internationales.

vendredi 3 août 2007

Chicago, Chapter 4 : rendez-vous au Chicago Kent College of Law



Après l'Université de Chicago et la Loyola Law School, mon périple me conduit au Chicago Kent College of Law, où j'ai rendez-vous avec Richard Warner, et avec qui je vais passer un moment fort sympathique et intéressant. Richard Warner, avant d'entreprendre ses études de droit et de devenir, par la suite, professeur de droit, était professeur de philosophie (il est d'ailleurs titulaire d'un PhD en philosophie). Il est également passionné par les sciences de l'informatique, ce qui explique son implication sur des projets liés à la sécurité sur Internet. Il dirige le Chicago-Kent's Center for Law and Computers, et enseigne, entre autres, le droit du commerce électronique. Avec trois de ses collègues, Richard Warner vient d'ailleurs de publier la nouvelle version d'un ouvrage qu'il a la gentillesse de me remettre : "E-commerce, the internet and the law". Cet ouvrage a la particularité d'être un "casebook", c'est à dire un recueil de cas de jurisprudence sélectionnés et commentés par les auteurs. Les domaines couverts sont larges : contrats en ligne, droit de la propriété intellectuelle (copyright, marques, brevets, bases de données), spamming et spyware, cyber-criminalité, respect de la vie privée). Ayant en charge le cours de droit du commerce électronique à l'EDHEC, je suis donc tout particulièrement intéressé.

Notre discussion, lors du déjeuner, se focalise sur l'analyse juridique des risques liés au web business, et les différents paramètres susceptibles de former la performance juridique. Richard Warner attire mon attention sur la problématique du reverse engineering, et les différences entre les réglementations européennes et nord-américaines. La question de la propriété sur les données, et plus généralement sur l'information, est capitale. Nous évoquons aussi l'interopérabilité des systèmes, question actuellement chère à mon ami Cédric Manara, et notamment les récentes déclarations d'Apple sur sa position par rapport au DRM. Pour Richard Warner, les grands vainqueurs sont Apple et Microsoft. Nous discutons aussi de la situation de Youtube, et Richard m'explique pourquoi il trouve ce cas assez proche de "l'affaire" Napster. De manière générale, il considère qu'historiquement les titulaires des droits d'auteur se sont toujours trompés...Quant aux relations entre les juristes et les spécialistes des systèmes d'information (ou des technologies de l'information), il estime que la communication, notamment en matière de sécurité des systèmes, reste grandement à améliorer.

Richard me donne enfin un "tuyau" que j'ignorais et que je conseille à toutes les personnes intéressées par les questions de copyright (ou de droits d'auteur). Il s'agit d'une vidéo disponible sur Youtube, intitulée "A Fai(ry) Use Tale". Cette vidéo remarquable, construite à partir d'extraits de dessins animés des studios Disney, explique avec un immense humour les bases du système du copyright. Je n'en dis pas plus; c'est vraiment à découvrir !


jeudi 2 août 2007

Chicago, Chapter 3 : La FED et la Loyola Law School



Loyola Law School est l'une des importantes facultés de droit de Chicago. J'avais pris contact avec l'un de ses professeurs, Christian Johnson. Christian dirige le Business Law Center; il est spécialisé en corporate finance et en produits dérivés. L'ouvrage qu'il a publié, Mastering Collateral Management and Documentation, va vivement intéresser mes collègues de finance. Christian est également un expert en fiscalité. Il a vraiment pris grand soin à m'accueillir et, disposant de contacts privilégiés au sein de la FED de Chicago (Federal Reserve Bank), il m'a proposé de réaliser une intervention au sein de cette prestigieuse institution sur la Directive européenne en matière d'OPA, sa transposition dans les Etats membres, et les résultats que l'on peut observer aujourd'hui. Etant très circonspect sur l'impact de cette directive, j'avais un certain nombre de choses à dire. J'ai donc réalisé ma présentation devant une trentaine de personnes, principalement des économistes de l'importante équipe de recherche de la FED. Le sujet les intéressait beaucoup. Mon intervention fut suivie d'une visite privée de la FED, et notamment des salles des coffres et de tout le système de tri et de dispatching de l'argent que la FEDC récupére, notamment auprès des banques lorsqu'elles ont trop de "stock". C'est réellement impressionnant, et on a du mal à réaliser que ce sont des centaines de millions de dollars qui s'étalent sous nos yeux...

Christian Johnson me propose très gentiment de mettre à ma disposition un bureau pour la semaine au sein de la Loyola Law School, mais le nombre de rendez-vous que j'avais, m'amenant à aller d'un endroit à un autre de Chicago, ne le justifiait pas. Lors de la visite des locaux de la Law School que Christian me fait faire, j'ai l'opportunité de rencontrer plusieurs de ses collègues, dont le Doyen associé, et un professeur qui a été avocat pendant deux ans au sein du cabinet Bredin Prat, à Paris.

Chicago : Chapter 2 : encore une Law Firm ouverte à la discussion


Une nouvelle réunion au sein d'un grand cabinet d'avocats. Cette fois, à Chicago, je rencontre un partner et un senior counsel de Baker & McKenzie, Madame Leslie A. Bertagnolli et Monsieur Robert L. Berner Jr. Mrs Bertagnolli est spécialisée en droit de la propriété intellectuelle (principalement droit des marques et copyright), que ce soit en matière de conseil ou de procédure judiciaire. Monsieur Berner est spécialisé en corporate counseling et gouvernance. Quitte à me répéter...je suis encore très bien accueilli, pour une longue discussion autour de la performance juridique.

Nous abordons la question du rôle des juristes, et la place centrale (ou non) du département juridique au sein d'une entreprise. Certaines entreprises, de taille importante, bénéficient d'un département juridique pouvant parfois compter jusqu'à cent juristes (ex General Electric). La question du coût lié à la présence d'un département juridique interne est évidemment parfois prise en compte, mais ce paramètre peut être écarté (selon la politique de l'entreprise) au profit d'un objectif d'efficacité. Certaines entreprises pensent qu'elles seront plus efficaces dans la gestion de la décision juridique si elles sont dotées d'un important service interne. Toutefois, l'apport de juristes externes renforce la sensibilité de l'entreprise au risque juridique. Mais il est important de prendre en considération le fait que la "taille" ne règle pas tout. En d'autres termes, se pose la question de la qualité de la relation entre les juristes et les managers. Ces derniers ne sont pas toujours réceptifs au "language" des juristes. Mes interlocuteurs insistent sur le fait qu'l est important qu'au sein de l'entreprise il existe un réel effort de "traduction" du droit. Nous évoquons d'ailleurs un sujet très controversé, à savoir le pragmatisme plus prononcé des juristes nord-américains (ou plus généralement des pays de common law par rapport à ceux des pays de civil law).

Mes interlocuteurs me suggèrent qu'il pourrait être judicieux d'observer la performance juridique (ou la "non performance juridique") en étudiant certaines organisations "disparues", victimes de "krach" spectaculaire. Le lien entre une faible capacité juridique et de mauvais résultats est peut-être plus facile à établir que celui entre une forte capacité juridique et d'excellents résultats...Madame Bertagnolli et Monsieur Berner me signalent plusieurs pistes pertinentes. Plusieurs professeurs de l'Université de Chicago ont ainsi travaillé sur les problématiques d'éthique au sein des law firms et le background des lawyers. Les cabinets de conseil en technologie de l'information peuvent aussi constituer des sources intéressantes de renseignement dans la mesure où ils disposent de nombreuses études de cas, parfois disponibles en ligne sur leur site web, et qu'ils ont l'habitude d'élaborer des modèles de résolution de problèmatique de performance. De plus, ils sont très au fait des questionnements en matière d'outsourcing.

Nous concluons notre discussion sur la nécessité, mais aussi la difficulté, de "customiser" les besoins en organisation juridique dans un contexte de globalisation. Autrement dit, une entreprise doit prendre en considération le fait que les modèles juridiques qu'elle utilise dans un pays pour développer son business, ne sont pas nécessairement appropriés au développement de ses projets dans d'autres pays.

Chicago, on the road again : Chapter 1 - University of Chicago Law School

Mon périple à Chicago a commencé par une visite à la Law School de l'Université de Chicago où j'ai été accueilli chaleureusement par le Professeur Randal C. Picker (Paul H. and Theo Leffmann Professor of Commercial Law). Il a plusieurs centres d'intérêts, et en particulier "bankruptcy law", "Secured Transactions" and "Antitrust". Randal Picker est également Senior Fellow au sein du Computation Institute of the University of Chicago and Argonne National Laboratory, qui est un important laboratoire interdisciplinaire, ce qui prouve l'étendue et la diversité de ses centres d'intérêts.

Mais Randal Picker a aussi écrit un ouvrage passionnant, et unique en son genre, consacré à l'application de la théorie des jeux dans le champ du droit. Game Theory and the Law, qu'il a co-écrit avec D.C. Baird et R.H. Gertner, est impressionnant de clareté et passionnant. J'avais cherché à l'acheter en France, peu de temps avant mon départ, mais il fallait le commander. Ma recherche à la bookstore de l'université ne fut pas plus couronnée de succès. Mais Randal Picker m'en a remis un exemplaire que j'ai commencé à dévorer. Après une présentation de l'application générale de la théorie des jeux dans le champ du juridique, les auteurs développent un certain nombre d'applications dans des domaines spécifiques du droit. La lecture de cet ouvrage, même si elle est loin d'être terminée, ouvre des perspectives intéressantes quand aux applications possibles en matière de "performance juridique".

Randal Picker me fait visiter le campus de l'Université de Chicago. Les infrastructures sont de haut niveau, et il est évident que les financements sont de haut niveau aussi...Ainsi, récemment, un généreux donateur individuel a gratifié l'Université d'une donation de 100 millions de dollars afin de rénover un immeuble...Nous rejoignons ensuite le Faculty Club en vue du déjeuner. Un certain nombre de professeurs de la Law School s'y rendent régulièrement à midi pour leur repas et pour discuter de recherche. J'ai donc l'occasion de rencontrer 6 à 7 professeurs de la Law School et de leur expliquer rapidement sur quels types de projets nous travaillons. Les réactions sont extrêmement intéressantes. Une fois de plus, l'une des remarques porte sur la difficulté à isoler le paramètre juridique afin de déterminer l'impact d'une décision juridique dans le résultat final d'une opération ou d'un projet.