jeudi 20 décembre 2007

Viacom + Microsoft vs Google : la lutte pour la maitrise des contenus continue







Nouvelle très intéressante : Viacom et Microsoft viennent d'annoncer la mise en place d'une stratégie d'alliance en vue de notamment collaborer sur la distribution de contenus, et ce sur plusieurs années. Cette annonce est d'autant plus intéressante qu'elle s'inscrit dans un contexte de conflit judiciaire entre Viacom et Youtube/Google, portant sur la diffusion de contenus appartenant à Viacom. Si l'on joint les deux "informations" : conflit Viacom-Google et concurrence Microsoft-Google, il y a fort à parier que le conflit en cours va prendre de nouvelles proportions...

Un oubli : US Law Professors



Je me suis rendu compte que j'avais oublié, dans ma restitution de mon périple en Amérique du Nord, de faire état de mes discussions passionnantes sur le thème du droit de la concurrence avec Harry First et Victor Goldberg.



Harry First est professeur de Droit à la NYU LAW School, où il dirige le Programme Trade Regulation. Ces travaux portent principalement sur le droit la concurrence et le droit de la propriété intellectuelle. Je recommande tout particulièrement son article "'Market Power': Why Are We Asking?," 1 Environmental Law & Energy Policy Journal 43 (2006)". Nos discussions ont donc tourné autour des problématiques de droit de la concurrence, et en particulier les diférences entre le droit de la concurrence aux Etats-Unis d'Amérique et le droit de la concurrence européen. Pour Harry First, des différences doctrinales persistent, notamment en matière d'abus de position dominante. Les autorités européennes sont plus strictes quand à l'appréciation de cet abus, et nettement plus interventionistes. Harry First insiste également sur le fait que la Commission Européenne est plus concernée que le TPICE par la dimension économique du droit de la concurrence. Certes, les autorités américaines (juges et FTC) sont en général plus à l'aise avec les aspects économiques des problématiques juridiques que ne peuvent l'être les juges européens. Mais il faut reconnaître que cela n'a pas toujours été le cas aux Etats-Unis d'Amérique. Il est aussi intéressant de souligner que la FTC est de plus en plus une "enforcement agency". Nous abordons alors le cas de Microsoft et la condamnation dont la société a fait l'objet en Europe. Selon Harry First, Microsoft a clairement utilisé une "delay strategy" afin de reculer le moment auquel la société allait être obligée de donner de l'information aux autres compétiteurs sur son savoir-faire.






Quant à Victor Goldberg, il est Professeur de droit à la Columbia Law School, où il dirige le Center for Law and Economics Studies. Ses centres d'intérêt sont principalement le droit de la concurrence, le droit des contrats, et l'analyse économique du droit. Il a publié en 2007 un ouvrage intitulé : Framing contract law : an economic perspective. Nos échanges ont majoritairement porté sur la décision juridique et la gestion juridique des risques. Pour Victor Goldberg, cela dépend beacucoup du secteur d'activités et du type d'entreprises. Selon lui, il est plus risqué aujourd'hui pour les juristes de conseiller une transgression de la loi, notamment eu égard aux règles en matière de compliance et et au coût de la "discovery". Les "hot topics" sont pour lui les "cross organizational contracts" et les stratégies d'alliance. Nous avons également abordé la problématique de la sortie de l'iPhone sur le marché américain, et en particulier la définition du marché pertinent, la question du contrat d'exclusivité et de la discrimination par les prix.

mardi 18 décembre 2007

Le Pôle LegalEdhec a enfin ses pages web


Le Pole d'Excellence LegalEdhec est enfin totalement opérationnel.
Pour une présentation :

Globalisation du Droit et e-discovery




Dans un billet précédent, écrit lors de mon séjour en Amérique du Nord, j'avais expliqué que les avocats américains que j'avais rencontrés avaient insisté sur la montée en puissance de l'electronic discovery. Un récent article dans le National Law Journal confirme cette tendance. Des produits dédiés à la gestion de l'electronic discovery sont de plus en plus disponibles sur le marché, afin d'améliorer la performance des process. Un exemple http://www.ediscoverytools.com/


La gestion juridique des conflits avec un partenaire étranger : un long fleuve pas tranquille...


La saga Danone-Wahaha continue...Dans un billet précédent j'avais expliqué comment le conflit entre le géant français et son partenaire chinois était apparu. Danone vient de communiquer sur la décision du tribunal arbitral chinois qui ne lui est pas favorable. En effet, ce dernier a décidé que la marque Wahaha n'appartenait pas à Danone, celle-ci ne lui ayant pas été transféré.
Sans prendre position (bien évidemment), ce litige illustre bien la difficulté de gérer un conflit d'affaires dans un pays tel que la Chine. Si une clause dans le contrat de partenariat avait prévu la compétence d'un juge français ou d'une cour d'arbitrage en France ou ailleurs qu'en Chine, et si la décision arbitrale avait été favorable à Danone, se serait posée la question de l'exequatur en Chine. On peut donc penser que le recours à un juge arbitral chinois représentait une solution adéquate d'un point de vue pratique. Restait néanmoins à mesurer le risque de voir cet arbitre rendre une décision défavorable...

lundi 17 décembre 2007

L'iPhone et les outils de la performance juridique


Pour ajouter quelques éléments de réflexion aux billets déjà existants, il est intéressant de garder à l'esprit qu'Apple a recours à divers instruments juridiques pour accompagner et sécuriser le développement de son iPhone. Ainsi plus de 200 brevets d'invention ont été déposés aux USA (pour les non-habitués du site de l'USPTO, notez bien que tous les brevets et marques déposés sont accessibles en texte plein sur le site de l'USPTO). Les 21 brevets les plus "importants" sont commentés sur le site mad4mobilephones. A signaler également l'intéressant article sur Techdirt, et relatif à l'utilité des brevets pour l'iPhone. Mais, comme souvent en matière de brevets (voir des billets précédents), des détenteurs de brevets antérieurs viennent challenger l'entreprise. Pour mémoire, ce sont les revendications figurant dans la demande de brevet qui sont éventuellement contestées (les "claims" pour les anglo-saxons), étant donné que ce sont ces revendications qui déterminent l'étendue du monopole. Ainsi la société Klausner Technologies a déposé une plainte à l'encontre d'Apple, lui reprochant de contrefaire avec l'iPhone ses brevets sur le "voicemail". Quant à la société SP Technologies, elle affirme être victime d'une contrefaçon de ses brevets déposés il y a quelques années sur la technologie de l'écran tactile. Affaires à suivre... Se termineront-elles une fois de plus par des contrats de licence ?


Apple a évidemment aussi déposé la marque "iPhone" dans plusieurs pays (USA : voir la base de données de l'USPTO; France : celle de l'INPI; Royaume-Uni : celle de l'office britannique des marques; Allemagne : celle de l'office allemand). Il est intéressant de comparer avec l'état du dépôt de la marque pour les pays où l'iPhone n'a pas encore été mis sur le marché (voir notamment en Italie). Pour mémoire, la marque iPhone avait été antérieurement déposée par la société Cisco. Apple et Cisco ont conclu un accord en vue de faire cesser tout litige entre les deux sociétés.


La stratégie de distribution de l'iPhone a conduit Apple à adapter son modèle économique aux divers marchés cibles, eu égard aux différences au sein de l'environnement réglementaire. Pour faire suite à mes billets précédents, il est à noter que la décision du juge allemand donnant ordre à T-Mobile de proposer aux consommateurs une version débloquée et sans abonnement de l'iPhone (T-Mobile s'exécuta, proposant alors une version sans abonnement au prix de 999 euros !), a été infirmée par la Cour d'appel de Hambourg.


Quant au marché français, le site phone&phone, avait retiré son offre portant sur des iPhones importés. Une fois l'iPhone disponible "officiellement" sur le marché français, phone&phone a remis en ligne son offre. Le lecteur se reportera utilement à mon précédent billet...

Pour tous les amateurs de l'iPhone, je vous conseille vivement le blog iphon





dimanche 2 décembre 2007

Droit de la concurrence : une gestion des risques stratégiques


Comme je l'ai déjà écrit dans un billet précédent, la gestion des risques d'application du droit de la concurrence, et des éventuelles sanctions pouvant en découler, revêt de plus en plus un caractère stratégique. Un certain nombre d'affaires sont actuellement en cours devant le Conseil de la concurrence ou la Commission européenne.
Ainsi une entente illicite (sur le marché du verre destiné à la construction) dans laquelle était impliqué le Groupe Saint-Gobain, vient d'être sanctionnée par la Commission Européenne à payer une amende de 134 millions d'euros. Certes les faits remontent à presque quatre ans...
Carrefour et Lego sont également au coeur d'un dossier entente illicite sur le marché des jouets; la DGCCRF a récemment transmis au Conseil de la concurrence une demande en vue de condamner les deux acteurs à des amendes (respectivement) de 21 et 10,5 millions d'euros. Sans oublier Air France-KLM dont l'implication dans une entente illicite portant sur les tarifs de fret aérien pourrait lui valoir, si cette implication est retenue, une forte amende. Il est à noter que la concurrence sur le marché du transport aérien est de plus en plus dure; Air France vient en effet de saisir le Tribunal de Grande Instance de Bobigny pour dénonciation calomnieuse de la part de Ryanair, qui aurait largement communiqué auprès des media sur sa saisine de la Commission Européenne, sur la base d'une entente illicite entre Air France et Lufthansa.

mercredi 28 novembre 2007

Oeuvres artistiques et Téléchargement : Aux Armes etc.



Le débat sur la "piraterie" sur Internet est de ceux qui conjugue la complexité. Entre les intérêts des internautes, qui sont à la fois des individus et des consommateurs, ceux des artistes, des producteurs, des distributeurs, des fournisseurs d'accès, etc., où est l'utile équilibre ? Je préfère parler d'utile plutôt que de juste (débat classique, notamment chez les juristes), parce que le juste en la matière me paraît pour le moins délicat à déterminer. Quant à l'utile ? Il n'est guère aisé, non plus, à cerner, car l'utilité des acteurs de l'économie n'est malheureusement pas nécessairement alignée. Néanmoins, l'équilibre à trouver entre l'utilité d'un bien pour le consommateur et celle pour le producteur et les différents intermédiaires impliqués dans la circulation de ce bien, peut être approchée en ayant recours à des modèles d'analyses des comportements.

Denis Olivennes a remis récemment son rapport sur le développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveaux réseaux. Point de vue très personnel : pourquoi ce recours à l'expression "oeuvres culturelles" ? Pourquoi pas "oeuvres artistiques" ? L'utilisation du terme "culturelle" n'est certainement pas le fruit du hasard. Le recours à ce mot me semble d'autant plus inopportun qu'il donne un argument aux opposants à l'approche "protectioniste excessive". En effet, la culture ne doit-elle pas être accessible à tous ?

Les réactions au Rapport Olivennes et l'accord signé entre diverses organisations sont, sans surprise, très contrastées. Chez les mécontents, ou les sceptiques, les motivations peuvent être différentes. Certains sont motivés par des considérations philosophiques (il est interdit d'interdire...), d'autres par un souci de préservation des libertés individuelles, d'autres encore par la menace qui pourrait peser sur leur business model (Youtube, Daily Motion notamment).

La question de la Performance Juridique trouve ici sa place. En effet, les acteurs des industries musicales et cinématographiques (entre autres) veulent utiliser le droit pour améliorer leur performance et éviter la destruction et l'affaiblissement de leurs actifs. On ne peut que les comprendre. Mais se pose aussi, de toute évidence, la performance du futur texte réglementaire ou législatif. Ce texte ne sera performant que s'il atteint ses buts, et en particulier, puisque tel semble être le cas, celui de préserver la performance dans ces secteurs industriels.

L'une des conditions de base va résider dans la légalité ou la conformité à la Constitution (et à certaines conventions internationales) du texte en question. Un certain nombre d'arguments ont d'ores et déjà avancés par l'UFC-Que Choisir. Certains sont très intéressants, mais d'autres m'ont pour le moins laissé songeur...Ainsi le raisonnement basé sur le droit des contrats et l'absence de cause. En quoi est-il juridiquement infondé de prévoir dans des conditions générales d'utilisation d'un service (en l'espèce l'accès à Internet) les modalités de cette utilisation ? L'UFC développe son raisonnement sur les éléments liés à la validité du contrat (formation), alors que le débat, à mon sens, se situe au niveau des éléments liés à son exécution, ce qui n'est pas tout à fait la même chose...

Ceci étant dit, la performance d'un texte de loi ou réglementaire, a fortiori lorsqu'il est censé soutenir le développement d'une économie, doit aussi se mesurer à l'aune d'autres critères. Notamment : quel est le coût des mesures techniques et juridiques instituées par le texte ? Quel est le résultat des mesures en question ? Ont-elles entraîné une meilleure performance dans le secteur industriel en cause ? Sans vouloir jouer au Cassandre, certains travaux de recherche menés aux Etats-Unis (voir l'un de mes billets précédents) montrent que l'efficacité à terme de mesures répressives dans le domaine des téléchargements PtoP est faible, voire inexistante. L'effet de dissuasion est très limité dans le temps.

Pour conclure, il est dommage (mais pas nécessairement curieux) que la réflexion sur la licence globale n'ait pas été remise au goût du jour. Pour l'anecdote, j'ai été surpris de voir et d'entrendre il y a quelques jours, sur une chaîne de télévision, un représentant de l'industrie musicale citer l'exemple de la vente du CD de Bénabar, en comparant au nombre de téléchargements illégaux de ce CD. Or l'impossibilité technique de mesurer finement ces téléchargements, en vue de déterminer ensuite la part devant être reversée à chaque artiste, n'est elle pas l'un des arguments avancés à l'encontre de la licence globale ?

Si le futur texte est à dimension économique, et non à dimension philosophique, alors son efficacité économique devra être impérativement étudiée. Si sa dimension est philosophique, alors qu'elle soit présentée comme telle.

jeudi 22 novembre 2007

LVMH : une illustration de la performance juridique


Si la performance juridique de l'entreprise peut être définie, de manière synthétique, comme étant sa capacité à créer des ressources juridiques en vue de protéger et de soutenir la valorisation de ses autres ressources, on peut avancer que le Groupe LVMH cultive un certain niveau de performance. Ainsi le souci de pouvoir disposer de ressources juridiques cohérentes avec la stratégie et la création d'avantages concurrentiels peut être observé à plusieurs niveaux.
Il en va ainsi de la structure juridique et de capital du groupe, qui montre comment le contrôle est détenu par une structure de holding, avec une ouverture du capital qui permet d'attirer les investisseurs. Egalement, le recours depuis de nombreuses années à des contrats de distribution sélective, dont la solidité au regard du droit, notamment communautaire, s'est construite astucieusement au fil du temps. Le Groupe LVMH a encore récemment fait bloquer en référé la revente en ligne de produits de parfumerie (des marques Dior, Guerlain, etc.) en dehors de son réseau de distribution sélective.
La gestion juridique du portefeuille de marques est d'une redoutable efficacité, et LVMH illustre bien le principe selon lequel la construction d'un portefeuille de marques n'est pertinente que si l'entreprise se donne le moyen d'en assurer la valorisation et la préservation.
Outre la lutte traditionnelle contre les contrefaçons de marque et de dessins/modèles, LVMH a aussi parfaitement compris les risques dont pouvaient être porteuses les technologies de référéncement et de commerce électronique. Ainsi LVMH avait assigné en justice Google (et obtenu une condamnation) pour avoir permis l'achat de mots clés tels que "imitation" ou "copie", et leur utilisation avec la marque "vuitton". Le Groupe LVMH est également très attentif à la vente de contrefaçons de ses marques sur des plate-formes telles que ebay.
Le Groupe LVMH vient encore de montrer toute l'attention qu'il porte à la protection de cet actif stratégique : son portefeuille de marques. Il a en effet obtenu de la part du TGI de Paris une décision d'interdiction de diffusion et de commercialisation, notamment par Internet, du clip vidéo "Do something" de Britney Spears (avec astreinte de 1000 euros par jour de retard), ainsi que le versement par la filiale Zomba de Sony BMG et par MTV Online, de 80.000 euros de D.I. Le malletier français reprochait la présence trop visible dans le clip de la toile Louis Vuitton (recouvrant les sièges et le tableau de bord d'un Hummer rose dans lequel la chanteuse se montrait), de sorte que cette toile "ne peut échapper à un spectateur peu attentif", ce qui porte "atteinte à la valeur économique des marques" et à "l'image de luxe" que promeut Louis Vuitton, "qui apparait éloignée de l'image portée par Britney Spears". Il est clair que cette "promotion" de l'image de marque de LV n'est pas vraiment conforme à celle que la société défend... On notera au passage la vigueur et la portée non démenties du droit sur la marque.

lundi 12 novembre 2007

Reebox vs Nike : performance et stratégie judiciaire



En 2002, Reebok a déposé une demande de brevet pour une technologie de semelle souple, permettant de plier la chaussure de sport, et de la rendre accessible dans un distributeur automatique. Le brevet a été délivré le 30 janvier 2007. Entre temps, Nike a sorti en 2004 sa gamme « Free Line », présentée comme une chaussure unique, à semelle souple, « un pas de plus vers le pied nu » La gamme « Free Line » a rencontré un grand succès; Oprah Winfrey désigne même en 2005 la « Free 5 »pour femmes comme étant l’un de ses cadeaux préférés pour noël. En avril 2007, Reebok (20% du marché américain) assigne Nike (40% du marché américain) en justice, devant le « U.S. District Court for the Eastern District of Texas ». Le 2 juillet 2007, Reebok retire sa plainte contre Nike, sans préjudice pour Reebok d'une nouvelle assignation sur le même fondement juridique et pour les mêmes faits. En effet, il s'agit en l'espèce d'un "voluntary dismissal without prejudice".

Nike et Reebok se livrent depuis des années une concurrence acharnée sur le marché des articles de sport. Il est évident que dans ce contexte, la valorisation des innovations constitue un important facteur de compétitivité. Quant à cette action en justice et à son retrait par Reebok, est-ce l'expression d'une stratégie judiciaire ? Un accord a t'il été signé par les parties ? Reebok fourbit il ses armes pour une future nouvelle action ?

lundi 5 novembre 2007

iPhone : l'Empire contre-attaque



Suite mon billet édité le 30 octobre, Frédéric a réagi de manière fort opportune (et je l'en remercie), m'indiquant que finalement Phone&Phone suspendait la commercialisation de l'iPhone. Effectivement, le revendeur s'est "fendu" d'un communiqué de presse téléchargeable sur son site. Il est peu surprenant que sa défense s'articule autour de deux points. D'une part, le recours au non épuisement du droit à la marque est-il justifié ? D'autre part, l'accord de distribution exclusive passé entre Apple et Orange; ce dernier ne peut être soutenu par d'éventuelles actions en concurrence déloyale que s'il ne porte pas atteinte au libre jeu de la concurrence. Deux points de débat très intéressants, qui nécessitent de mobiliser divers jugements et arrêts, et que nous ne pouvons par manque de temps véritablement développer ici. Toutefois, la partie s'annonce très difficile à jouer pour Phone&Phone, les partenaires Apple et Orange pouvant s'appuyer sur des arguments ayant été par le passé bien construits par des acteurs d'autres marchés, mais dans des situations somme toute assez similaires.

mardi 30 octobre 2007

iPhone et distribution parallèle



Alors que la sortie de l'iphone en France est annoncée courant novembre, avec vraisemblablement une discrimination par le prix selon que le produit sera acheté avec l'abonnement Orange ou non, certains distributeurs proposent aux consommateurs français l'achat d'un iphone "désimlocké" en provenance du marché nord-américain. Ce n'est guère étonnant dès lors que l'on sait qu'environ 250.000 iphone "désimlockés" sont actuellement en circulation dans le monde. Ainsi on peut constater sur le site "phoneandphone" que l'iphone est proposé aux consommateurs français à un prix variable selon l'abonnement : 749 euros sans abonnement, 379 euros avec abonnement Bouygues. Il est intéressant de constater que l'offre avec un abonnement Virgin Mobile est annoncée comme épuisée, et l'offre avec un abonnement SFR ne fait pas apparaître de prix, contrairement à ce qui pouvait être constaté sur le site il y a une semaine. On notera également qu'aucune offre n'est proposée avec un abonnement Orange, ce qui n'est évidemment pas surprenant ! Enfin, si l'on essaie d'effectuer une commande en ligne sur le site, on peut relever qu'il est demandé au consommateur d'accepter les conditions générales de vente d'Apple.



Tout en restant très prudent dans l'analyse, le dispositif contractuel semble curieux. Le site propose à la vente des iphone avec des CGV Apple en langue française, alors même qu'Apple n'a pour l'instant formalisé aucune offre contractuelle pour le marché français (ou plus précisément cette offre ne sera effective que le 29 novembre), comme semble le montrer le site apple store. Il serait pour le moins surprenant qu'Apple mette en place une offre contractuelle en ligne pour des consommateurs français, alors même que son accord d'exclusivité avec Orange va être en application à compter du 29 novembre. Dès lors, on peut penser que le site phoneandphone a juste adapté les CGV d'Apple telles qu'elles figurent sur le site applestore aux Etats-Unis. Un examen approfondi des CGV figurant sur le site phoneandphone permet d'y voir plus clair. En effet, bien que les CGV apparaissent dans la partie "vérification du panier" comme étant des CGV "Apple", un clic sur le lien conduit à ces CGV alors présentées comme étant les "Conditions Générales de Vente de l'iPhone par Phone&Phone". Chacun appréciera la subtile confusion...



Une question simple se pose : la distribution parallèle (au réseau contractuel mis en place par Apple et Orange) de l'iphone sur le territoire français présente t'elle des risques juridiques ? La réponse est évidemment affirmative. D'une part, le développement d'un "grey market", alors même qu'il existe un réseau de distribution exclusive, peut constituer un acte de concurrence déloyale. Il convient de démontrer que le réseau de distribution est licite au regard du droit de la concurrence, et que le revendeur non "agréé" a commis une faute dans les conditions de commercialisation et/ou d'approvisionnement. D'autre part, Apple et Orange peuvent également recourir au droit des marques, dans la mesure où le droit de marque ne semble pas épuisé en l'espèce.

vendredi 26 octobre 2007

La montée en puissance des risques liés au droit de la concurrence




Le droit de la concurrence a toujours été un domaine facteur d'influence de la stratégie de l'entreprise. Un certain nombre de décisions récentes semblent confirmer une tendance de plus en plus marquée quant au caractère stratégique du droit de la concurrence.


Ainsi le TPICE a confirmé, par un jugement en date du 17 septembre 2007, la sanction prononcée à l'encontre de Microsoft pour abus de position dominante. Outre une amende de 497 millions d'euros, la firme de Redmond va devoir fournir les informations permettant de développer des protocoles interopérables, et cesser de fournir automatiquement avec Windows le lecteur windows media player. Certes l'amende est élevée, mais elle ne représente qu'un très faible pourcentage du chiffre d'affaires de Microsoft. Au-delà de la sanction pécuniaire, il reste à savoir si cette décision va affecter le leadership de Microsoft, que ce soit sur les systèmes d'exploitation ou sur les lecteurs multimedia. Eu égard au temps écoulé entre le début des hostilités et la décision du TPICE, il y a fort à parier que Microsoft a longuement réfléchi sur les moyens lui permettant de conserver son leadership et le déploiement de ses avantages concurrentiels...


La diffusion d'information dans un souci d'amélioration de la concurrence, est également au coeur de la décision rendue par la Commission de Régulation de l'Energie le 3 octobre 2007. La CRE a ordonné à Gaz de France de transmettre à l'opérateur Poweo les informations relatives aux sites raccordés au réseau gazier. Cette ordre s'inscrit parfaitement dans le contexte actuel d'ouverture du marché de l'énergie; cette ouverture exige la la mise en place de structures indépendantes aux différents niveaux de la chaîne de l’énergie (production, transmission, fourniture). Il faut d'ailleurs noter que la Commission Européenne a identifié un certain nombre de pratiques qui pourraient être qualifiées d'atteintes au droit de la concurrence. Le risque est d'autant plus important pour les entreprises concernées que la Commission Européenne a publié en décembre 2005 un papier vert en vue de construire un système plus efficace d'indemnisation des préjudices subis à cause de pratiques anticoncurentielles. Au Royaume-Uni, l'OFT semble souhaiter aller vers un système incitant plus fortement les victimes de comportements contraires au libre jeu de la concurrence à en poursuivre les auteurs.
Pour terminer ce "florilège", France Telecom a été condamné le 15 octobre par le Conseil de la Concurrence a une amende de 45 millions d'euros pour abus de position dominante, pour des faits remontant de début 2001 à début 2002, dans le secteur de l'accès à Internet haut débit. Le Conseil de la concurrence a retenu que France Télécom avait abusivement privilégié les services proposés par sa filiale Wanadoo, au détriment de ceux proposés par les fournisseurs d'accès concurrents, tels que Liberty Surf. Eu égard à la répétition des faits constitutifs d'un abus de position dominante, le Conseil de la concurrence a été amené à majorer de 50% la sanction.

samedi 13 octobre 2007

La corporate performance en pleine détresse


Ce qui est maintenant appelé "l'affaire EADS" met en lumière la nécessité de continuer, et même d'accélérer les réflexions sur les moyens permettant de construire une corporate governance efficace et sans naïveté ou hypocrisie. Les faits semblent offrir une combinaison explosive : des stocks options délivrées; des options levées dans un contexte plus que morose pour la société; des informations privilégiées utilisées fort à propos, et tellement fort à propos que l'on s'interroge sur l'existence d'un délit pénal (voire même de plusieurs), une attitude de l'Etat qui laisse quelque peu rêveur. Néanmoins, il faut savoir rester objectif et ne pas crier avec les loups. Quand Monsieur Fabius écrit dans Les Echos (8 octobre) "respectons la présomption d'innocence", tout en affirmant quelques lignes plus haut "Et voilà que les malhonnètes à répétition de l'ancienne direction concentrent toute l'attention", le seuil de l'indécence est dépassé, et celui de la diffamation n'est pas loin...Mais, après tout, Monsieur Fabius n'est-il pas un expert en matière de défaillance dans la chaîne de responsabilités au sein de l'Etat ?

Puisqu'il faut être objectif, il est tout aussi surprenant de lire, toujours dans Les Echos (12 et 13 octobre) (vous aurez compris que c'est mon quotidien économique préféré), sous la plume de Messieurs Sayerest et De Blignières : "les stocks-options constituent un excellent outil pour aligner les intérêts des managers de sociétés cotées, a priori choisis au mérite, donc peu fortunés, sur ceux des actionnaires, qu'ils soient minoritaires ou de contrôle". Laissons de coté le fait que fortune et mérite semblent antinomiques...Ce qui surprend le plus, c'est cette identification totale des intérêts des majoritaires et des minoritaires. Dans un monde parfait, cela serait le cas. Mais sur un marché qui ne l'est pas, c'est nettement moins évident, et les divergences de vue entre minoritaires et majoritaires sont légions. Qui plus est, cela sous-entend qu'il n'existe pas d'asymétrie d'information entre ces deux catégories...Enfin, il ne faut pas oublier un argument qui ne peut être balayé d'un revers de la main : plus les managers et les dirigeants vont bénéficier de stock-options, plus le risque d'utilisation d'informations privilégiées va augmenter. Il est donc capital de trouver le juste équilibre. Last, but not least, "l'exil de nos dirigeants" reste à démontrer. Existe t'il vraiment un grand marché unique des dirigeants d'entreprise, comme il existe un mercato pour le football ? On en doute.

Les récentes modifications apportées par le législateur en matière d'attribution d'avantages aux dirgeants de sociétés cotées, nous semblent aller dans le sens d'une plus grande transparence et d'une meilleure adéquation entre les résultats de la firme et la rémunération des dirigeants. Il reste à en apprécier l'efficacité sur la durée, et à observer si des mécanismes de contournement n'ont pas été mis en place.

En ce qui concerne le délit d'initié, et pour conclure, "l'affaire EADS" est peut-être l'occasion de s'interroger de nouveau sur la pertinence de la pénalisation des comportements d'initié. Que ce soit en Europe, ou en Amérique du Nord, les condamnations sont rares. Il serait naïf de croire que la cause est la "peur du gendarme", et donc un faible nombre de comportements d'initiés. La difficulté de la preuve de la constitution du délit, et l'astuce des acteurs, sont des causes plus plausibles. Il n'est pas sérieux d'en appeler à un encadrement plus strict du comportement. Au contraire, on peut s'interroger sur la nécessité de conserver le dispositif de sanction des comportements d'initiés tel qu'il existe aujourd'hui. Evidemment, le lancement d'un tel débat, dans le contexte actuel, serait pour le moins impopulaire. Mais il mérite d'être mené. Je vous invite à prendre connaissance de la position d'Henry Manne, professeur à la George Mason Unversity.

vendredi 12 octobre 2007

Web 2.0 et droits d'auteur : la saga continue


J'avais exprimé il y a quelques mois mes doutes quant à la qualité "d'hébergeur" des sites tels que Youtube ou encore Dailymotion. Dès lors qu'ils organisent l'information, la structurent, créent des catégories, etc., leur comportement me paraissait nettement plus relever du statut de l'éditeur que de celui de l'hébergeur.


Une décision récente du juge des référés semble aller dans le même sens. En effet, par une ordonnance de référé en date du 22 juin 2007, le Président du TGI de Paris a ordonné à Myspace de supprimer une page reproduisant des sketchs du célèbre humoriste Lafesse, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard (plus paiement d'une somme provisionnelle de 50.000 euros à titre de réparation du préjudice commercial) . Le juge des référés considère que même si Myspace exerce les fonctions techniques de fournisseur d'hébergement, elle ne se limite pas à cette fonction. En imposant une structure de présentation par cadres et en diffusant à l'occasion de chaque consultation, des publicités dont elle tire bénéfice, Myspace a aussi le statut d'éditeur et doit donc en assumer les conséquences. Certes Myspace n'a pas exactement le même "fonctionnement" que Youtube (ou Dailymotion), et la communauté qui s'y retrouve n'a pas non plus les mêmes objectifs. Toutefois, les points communs existants entre sites laissent à penser que la même argumentation juridique peut être développée. A suivre, donc...


Pendant ce temps, Dailymotion discute avec les organismes professionnels de l'industrie française du cinéma, en mettant en avant le recours aux solutions techniques de fingerprinting, qui doivent permettre de mieux tracer les contenus protégés par le droit d'auteur. Il est clair que le business model va devoir s'appuyer sur deux socles essentiels : la négociation des droits d'auteur d'une part, et l'utilisation de technologies d'identification d'autre part. Youtube, pour sa part, voit de nouvelles parties se joindre à la class action en cours. Mais le leader du marché du partage de vidéos en ligne n'en perd pas pour autant son astuce marketing. Ainsi Youtube est très actif dans le grand débat entre les candidats à l'investiture démocrate pour les élections présidentielles aux USA.

vendredi 5 octobre 2007

Contributions des membres du Pôle LegalEdhec dans Les Echos


Deux membres du Pôle d'Excellence LegalEdhec ont eu le plaisir de voir leur papier publié très récemment dans Les Echos.

Cédric Manara s'est penché sur le "premier accroc judiciaire" de la Coupe du monde de rugby. Un sponsor producteur d'alcool a été poursuivi en justice pour cause de parrainage d'un événement sportif. Le papier de Cédric a été publié dans Les Echos du 28 et 29 septembre. Quant à votre serviteur, son papier sur la sortie de l'Iphone et le contexte stratégique dans lequel il s'inscrit, a été publié dans Les Echos du 3 octobre.

La mise un place d'un régime de class actions en France : hello good bye ?


Comme je l'avais évoqué dans un billet précédent, l'introduction en France d'un régime des class actions était sérieusement étudié sous la présidence de Jacques Chirac, et avait même fait l'objet d'un premer projet. Les réactions d'un certain nombre de patrons français ont été clairement hostiles. Mais dans certains milieux il se dit que le projet de loi sur la modernisation de l'économie qui devrait voir le jour au printemps 2008, sera muet sur la question. Est-ce à dire que le lobbying qui s'exerce actuellement pour que la mise en place d'un régime de class actions soit renvoyée aux oubliettes, est particulièrement efficace ?

L'un des arguments majeurs agité comme un repoussoir par les opposants (nombreux) au régime des class actions réside dans les excès constatés aux Etats-Unis. Mais est-il inconcevable de construire un régime en tirant parti des erreurs commises dans des régimes existants ? Certes les class actions présentent le risque de générer une extrême judiciarisation, ainsi que des coûts d'assurance potentiellement extravagants. Toutefois, elles présentent aussi de nombreuses vertus. D'une part celle de renforcer la capacité de défense de nombreuses victimes isolées de dommages, parfois minimes. D'autre part de pousser les entreprises à un meilleur management de leurs risques, et donc à plus de rigeur dans leur process et, plus globalement, dans la qualité de leur organisation.
Pendant ce temps, la procédure à l'égard des avocats américains poursuivis pour avoir manipulé les mécanismes de class actions suit son cours.

vendredi 28 septembre 2007

Former les avocats au management


Avant de reprendre le fil de mes billets, une première information. Dans le cadre de la mise en place du PPI (Parcours Pédagogique Individuel), un partenariat entre l'EDHEC et le CFPA du ressort de la Cour d'appel de Douai va permettre à 9 élèves avocats de suivre un Certificat Droit et Management à l'EDHEC. Au delà de cette initiative, se pose la question plus générale de la formation (et des compétences) au management pour les juristes. Pour en débattre, une table-ronde est organisée le 10 octobre 2007 à 18 h 30 sur le thème :

Former les avocats au management, une nécessité
animée par Monsieur Christophe Roquilly, Professeur de droit à l'EDHEC et Directeur du Pôle LegalEdhec
En présence de :
Maître Xavier Brunet, Avocat au Barreau de Lille, Président du Centre de Formation Professionnelle des Avocats
Monsieur Thierry Montecatine, Directeur, ANTEA (recherche de cadres et dirigeants)
Maître Delphine Chambon (EDHEC 1998), Avocat au Barreau de Lille, Montesquieu Avocats
Monsieur Christophe Collard, Professeur de droit, EDHEC Business School
Cette table-ronde se déroulera dans l'Amphithéatre La Redoute, EDHEC Business School, 58 rue du Port, 59046, Lille
Un cocktail sera servi à l’issue de la table ronde.

Réponse souhaitée avant le 05/10/2007 à nathalie.leynaert@edhec.edu

dimanche 16 septembre 2007

Quelques nouvelles

Etant rentré des Etats-Unis depuis peu, je n'ai pas encore vraiment eu le temps de reprendre le chemin de mon blog, d'autant que je termine un papier assez long pour une revue internationale. Mais d'ici une semaine, c'est promis, je relance la machine !

vendredi 24 août 2007

Les risques liés au droit de la concurrence, un "hot topic"


La réunion annuelle de l’ABA (American Bar Association), comme je l’ai évoqué dans un post précédent, est un congrès très important qui permet aux avocats américains de discuter de sujets extrêmement différents. Parmi les «hot topics », certains ont tout particulièrement attiré mon attention dans la mesure où ils relèvent de domaines couverts par les travaux du Pôle LegalEdhec sur la Performance Juridique. Un atelier a ainsi été dédié au problème de la « dilution des marques ». Judicieusement intitulé « From Victoria’s Secret to Louis Vuitton », cet atelier a permis de faire le point sur les stratégies que les entreprises peuvent développer en vue de préserver la vitalité de leurs marques, en particulier dès lors qu’elles deviennent fameuses. Quels sont les critères pour qualifier une marque de « fameuse » ? Quels comportements peuvent provoquer la dilution de cette dernière ? Comment le risque de dilution se différentie t’il du risque de contrefaçon ? Les problématiques de propriété intellectuelle sont également abordées sous l’angle de l’harmonisation internationale. Dès lors qu’une entreprise dispose d’un portefeuille de marques (ou tout autre actif pouvant être qualifié de « propriété intellectuelle ») déployé à un niveau international, se pose la question du management de ce portefeuille dans un contexte de globalisation.

En matière de droit de la concurrence et d’amélioration de la performance, on peut noter une session sur les risques liés aux partenariats, associations commerciales et pratiques de benchmark, à partir du moment où ces pratiques sont le fait d’entreprises concurrentes. En d’autres termes, comment échanger de l’information entre concurrents et en tirer un certain bénéfice, tout en mesurant les risques inhérents aux dispositions du droit de la concurrence ? La mesure des risques liés au droit de la concurrence et à sa confrontation aux pratiques de prix menées par les entreprises est de plus en plus d’actualité. En effet, British Airways et Korean Air vont devoir payer $300 million chacun, après avoir admis devant la Federal District Court de Washington qu’ils s’étaient accordés pour fixer les prix des vols internationaux, en les augmentant de manière artificielle afin de répondre à la hausse du prix du carburant. Les sanctions pécuniaires pour les deux compagnies ont été réduites dans la mesure où elles ont collaboré avec les enquêteurs. La compagnie coréenne a déclaré qu’elle était très concernée par « l’antitrust compliance » et qu’elle veillerait à ne pas renouveler cette conduite répréhensible. Plusieurs questions peuvent être ici posées et rattachées à la problématique de performance juridique. Le risque de voir leur entente illicite détectée et sanctionnée a-t-il été anticipé par ces deux entreprises ? Ont-elles considéré, dans cette hypothèse, que ce risque était stratégiquement souhaitable, eu égard au niveau de profit réalisé ? Ont-elles mis en place des programmes de compliance ? Il est à noter que British Airways a aussi fait l’objet, en août et en Grande-Bretagne, d’une sanction de $246 million pour des faits comparables. Il est vrai que le secteur du transport aérien est particulièrement concurrentiel, avec des clients finaux s’interrogeant régulièrement sur les causes des tarifs élevés des billets d’avion… Pour plus de détails sur cette affaire, consulter utilement l’excellent blog dédié au droit antitrust "antitrustlawblog".

Pour rester dans le champ du droit de la concurrence, j’aimerais rapidement évoquer la récente mise sur le marché de l’Iphone. Le nouveau produit d’Apple était très attendu ; sa « sortie » a occasionné de longues files d’attente, certains « apple maniacs » étant prêts à attendre des heures pour acheter ce qui était annoncé comme une bombe commerciale et technologique. Sans entrer dans une analyse du produit en lui-même et de ses qualités et défauts, d’autant que je ne l’ai pas acheté (principalement pour les raisons que je vais évoquer), la mise sur le marché de l’Iphone fait naître certaines questions en matière de droit de la concurrence. En effet, l’Iphone ne peut être acheté aux Etats-Unis que couplé à un abonnement auprès d’AT&T, l’un des fournisseurs américains de services téléphoniques. Cette entrave à la liberté du consommateur de pouvoir choisir son fournisseur de téléphonie mobile, dès lors qu’il souhaite utiliser un Iphone, suscite évidemment certaines hostilités. Une campagne intitulée « Free the iphone » a été lancée en vue de promouvoir un internet ouvert et une politique publique en matière de téléphonie mobile qui soit tournée vers la satisfaction des consommateurs. Le site freetheiphone.org coordonne une vaste campagne d’activisme. Son objectif est d’obtenir de la part du Congrès américain et de la FCC une intervention qui pousserait à la création d’un « libre marché de l’internet sans fil ». Ce site, lui-même très « user friendly », manque néanmoins d’un raisonnement juridique. Cela viendra peut-être…Les acheteurs américains de l’Iphone doivent souscrire un contrat d’une durée de deux ans avec AT&T, qui est le seul distributeur aux Etats-Unis. Les utilisateurs ne peuvent accéder à Internet que par le biais du réseau AT&T, sauf s’ils arrivent à se connecter à un spot wifi. De plus, l’Iphone ne fonctionne qu’avec les logiciels vendus par Apple et AT&T. Il convient de préciser que d’autres fournisseurs de téléphonie mobile, tels que Verizon, développent les mêmes pratiques. Certains estiment donc que la FCC (Federal Communications Commission) va être amenée à intervenir. Les fournisseurs de téléphonie, avancent que ces partenariats permettent d’offrir des prix plus bas que ceux pratiqués à l’étranger, et notamment dans l’Union Européenne. Apple a plusieurs raisons de ne pas vouloir que l’Iphone soit « débloqué » (lire le post sur le Blog "Apple Matters").

Nous retrouvons en l’espèce le désormais classique débat en droit de la concurrence. En d’autres termes, où fixer la frontière entre une légitime utilisation du droit des contrats par une entreprise (en l’espèce Apple), dans le but d’assurer la meilleure promotion possible de son produit, et une légitime liberté de la concurrence, pour le plus grand bien-être des consommateurs ? En quoi le comportement d’Apple et d’AT&T pourrait-il être qualifié d’entente illicite sanctionnable (voire même d’abus de position dominante) ? Une réponse à cette question nécessite une analyse très poussée, notamment quant au marché pertinent. Mais on ne peut contester que ce débat soit capital, en particulier dans des secteurs d’activités où la demande est forte et les innovations technologiques rapides et fréquentes. Un Blog consacré à au droit de la propriété intellectuelle et aux politiques d’innovation en Inde, développe une analyse « comparée » quant aux implications du contrat «Apple-AT&T » au regard du droit de la concurrence US, européen et indien.

lundi 13 août 2007

De San Francisco à Washington DC





On the road again...Ou plutôt, in the air again...Mes tribulations me conduisant à San Francisco, je devais rencontrer des collègues dans ces deux grandes Law Schools que sont Berkeley et Stanford. Malheureusement beaucoup d'entre eux sont en vacances en cette période de l'année, notamment en Europe (ironie du sort...), ou en déplacement pour des conférences.


Ainsi mon projet de rencontrer Pamela Samuelson, professeur à Berkeley et Co-Directrice du Berkeley Center for Law and Technology n'a pu être mené à bien. Pamela Samuelson a un impressionnant track de publications, notamment dans le domaine du copyright. Egalement, Lawrence Lessig m'a répondu que, malheureusement, il ne serait finalement pas à SF durant ma visite. Lawrence Lessig est professeur à la Stanford Law School, et il est internationalement réputé pour ses travaux qui allient droit constitutionnel et droit de la propriété intellectuelle. Lawrence Lessig est devenu au fil des ans une référence de tout premier plan sur les questions concernant le cyberespace et les problématiques juridiques. Son blog est extrêmement intéressant.



J'ai toutefois eu la possibilité d'organiser des rendez-vous avec Howard Shelanski et Mark Lemley. Howard Shelanski est professeur à la Faculté de Droit de Berkeley, où il co-dirige le Berkeley Center for Law and Technology. Son parcours est impressionnant. Doté de la double compétence économiste-juriste, il fut assistant de plusieurs juges, et en particulier d'Antonin Scalia, juge à la Cour Suprême des Etats-Unis. Il a également été avocat, et Chef Economiste à la FCC. Le professeur Shelanski a publié de très nombreux travaux dans le domaine du droit de la concurrence, et est un expert reconnu en matière de régulation du secteur des télécommunications. Mais à ma plus grande déception notre rencontre n'a pu se faire. Howard Shelanski ayant été retenu par un dossier important avec la présidence de l'Université, il est revenu peu de temps après que j'ai eu quitté mon "'poste d'attente" devant son bureau. Néanmoins, j'espère beaucoup que notre rencontre se fera. En effet, il doit se rendre à Paris pendant 15 jours pour assurer un cours, et il m'a donné son accord de principe pour réaliser une conférence à l'EDHEC.



Ma deuxième déception fut de ne pouvoir honorer mon rendez-vous avec Mark Lemley, pour des raisons personnelles. Mark Lemley est professeur à la Faculté de Droit de Stanford. Il est certainement, à l'heure actuelle, l'un des tout premiers spécialistes du droit de la propriété intellectuelle; ses travaux font référence et je recommande à tous les passionnés de ce domaine de lire les articles de Mark Lemley, qui sont totalement éclairants et source de débats. Mark Lemley a très gentiment accepté de relire les articles que les membres du Pôle d'Excellence LegalEdhec pourraient être amenés à produire dans le champ du droit de la propriété intellectuelle.



J'ai profité de ce séjour à San Francisco pour "fouiller" en profondeur l'excellent site web de l'ACC (Association of Corporate Counsel) (en quelque sorte l'équivalent, en France, de l'Association Française des Juristes d'Entreprise). L'ACC fournit à ses membres une quantité impressionnante d'informations, ainsi que des publications dont certaines ont attiré mon attention. En particulier, des réflexions sur la planification stratégique des départements juridiques, ou encore sur les plans d'amélioration de la performance des départements juridiques. Je recommande aussi tout particulièrement la revue PLC Cross Border Quarterly, très éclectique et pratique. Le site web de l'ACC comprend aussi un index utile de la blogosphère des juristes d'entreprise.


Quant à Washington DC, petite crise d'ego : une photo devant la Cour Suprême !




samedi 4 août 2007

Chicago, fin du périple : Northwestern School of Law


Northwestern School of Law, comme sa "concurrente directe" de l'Université de Chicago, fait parti du "top" des Facultés de Droit nord-américaines. Il est vrai qu'elle bénéficie d'une belle brochette d'enseignants-chercheurs, dans des domaines très divers. J'ai eu le plaisir de rencontrer certain d'entre eux, grâce à la disponibilité et la gentillesse de Jim Speta. Ce dernier est donc professeur à la Northwestern University School of Law, spécialisé en droit de la concurrence, télécommunication, sachant qu'il enseigne également la propriété intellectuelle et le droit des sociétés. Il m'a fait l'honneur de me présenter au Dean de la Law School, David E. Van Zandt. Le déjeuner m'a donné l'occasion de rencontrer l'Associate Dean for Academics Affairs, Mayer Freed, spécialisé en droit du travail, Stephen B. Presser, Professeur de Legal History et de Business law (présent en fait à la fois dans la Law School et la Business School) et très réputé dans le domaine du droit constitutionnel, Carole Silver, Senior Lecturer, dont le domaine de prédilection est l'impact de la globalisation sur le droit et les juristes (métiers, profils, etc.), et un autre professeur.

Après avoir discuté avec James Speta des projets de recherche que nous développons dans notre Pôle d'Excellence et de ses travaux actuels en matière de droit de la concurrence et télécommunications, nous abordons assez longuement la question de la formation des juristes, et en particulier de l'intérêt de suivre une double formation "droit/business". Cela fait plusieurs années que la Law School de Northwestern et la Business School (Kellogg School of Management) co-gèrent un programme "joint" JD-MBA (se déroulant sur une durée de 3 ans). Ce programme permet donc aux étudiants de suivre une formation débouchant sur un double-diplôme. Son contenu correspond à un équilbre entre formation juridique (droit de la responsabilité, droit pénal, droit des contrats, procédure civile, etc.) et formation en management (comptabilité pour la prise de décision, mathématiques pour la prise de décision, business strategy, finance, marketing management, etc.), sans oublier un certain nombre de cours "mixant" les disciplines. Ce programme est très alléchant et correspond à une demande croissante des entreprises en matière double formation. J'explique à mes interlocuteurs que ce phénomène est très important en France au niveau des grands cabinets d'avocats d'affaires,ceux-ci recrutant majoritairement des "double formation". Je leur explique aussi que c'est pour cette raison qu'un certain nombre de jeunes diplomés EDHEC ont pu bénéficier, d'une façon ou d'une autre, d'une double formation et d'un double diplôme, et que nous disposons à l'EDHEC depuis presque 15 ans d'une Majeure Ingénierie Juridique et Fiscale.

Il apparaît également qu'un très faible nombre d'étudiants français se rendent à Northwestern pour y réaliser un LLM. Certes le coût peut être dissuasif pour un jeune français, mais ce type de programme présente par ailleurs de nombreux attraits, notamment au niveau de la connaissance du système de common law et l'ouverture à d'autres modes de raisonnement et de résolution de problématiques juridiques.

Carole Silver, avec qui je discute plus amplement de nos projets de recherche, me signale fort à propos que se déroule à San Francisco, à partir du 10 août, le grand congrès de l'ABA (American Bar Association). Certains ateliers ont l'air passionnant. Elle est d'ailleurs en train de réaliser une étude sur les profils des lawyers dans les firmes internationales.

vendredi 3 août 2007

Chicago, Chapter 4 : rendez-vous au Chicago Kent College of Law



Après l'Université de Chicago et la Loyola Law School, mon périple me conduit au Chicago Kent College of Law, où j'ai rendez-vous avec Richard Warner, et avec qui je vais passer un moment fort sympathique et intéressant. Richard Warner, avant d'entreprendre ses études de droit et de devenir, par la suite, professeur de droit, était professeur de philosophie (il est d'ailleurs titulaire d'un PhD en philosophie). Il est également passionné par les sciences de l'informatique, ce qui explique son implication sur des projets liés à la sécurité sur Internet. Il dirige le Chicago-Kent's Center for Law and Computers, et enseigne, entre autres, le droit du commerce électronique. Avec trois de ses collègues, Richard Warner vient d'ailleurs de publier la nouvelle version d'un ouvrage qu'il a la gentillesse de me remettre : "E-commerce, the internet and the law". Cet ouvrage a la particularité d'être un "casebook", c'est à dire un recueil de cas de jurisprudence sélectionnés et commentés par les auteurs. Les domaines couverts sont larges : contrats en ligne, droit de la propriété intellectuelle (copyright, marques, brevets, bases de données), spamming et spyware, cyber-criminalité, respect de la vie privée). Ayant en charge le cours de droit du commerce électronique à l'EDHEC, je suis donc tout particulièrement intéressé.

Notre discussion, lors du déjeuner, se focalise sur l'analyse juridique des risques liés au web business, et les différents paramètres susceptibles de former la performance juridique. Richard Warner attire mon attention sur la problématique du reverse engineering, et les différences entre les réglementations européennes et nord-américaines. La question de la propriété sur les données, et plus généralement sur l'information, est capitale. Nous évoquons aussi l'interopérabilité des systèmes, question actuellement chère à mon ami Cédric Manara, et notamment les récentes déclarations d'Apple sur sa position par rapport au DRM. Pour Richard Warner, les grands vainqueurs sont Apple et Microsoft. Nous discutons aussi de la situation de Youtube, et Richard m'explique pourquoi il trouve ce cas assez proche de "l'affaire" Napster. De manière générale, il considère qu'historiquement les titulaires des droits d'auteur se sont toujours trompés...Quant aux relations entre les juristes et les spécialistes des systèmes d'information (ou des technologies de l'information), il estime que la communication, notamment en matière de sécurité des systèmes, reste grandement à améliorer.

Richard me donne enfin un "tuyau" que j'ignorais et que je conseille à toutes les personnes intéressées par les questions de copyright (ou de droits d'auteur). Il s'agit d'une vidéo disponible sur Youtube, intitulée "A Fai(ry) Use Tale". Cette vidéo remarquable, construite à partir d'extraits de dessins animés des studios Disney, explique avec un immense humour les bases du système du copyright. Je n'en dis pas plus; c'est vraiment à découvrir !


jeudi 2 août 2007

Chicago, Chapter 3 : La FED et la Loyola Law School



Loyola Law School est l'une des importantes facultés de droit de Chicago. J'avais pris contact avec l'un de ses professeurs, Christian Johnson. Christian dirige le Business Law Center; il est spécialisé en corporate finance et en produits dérivés. L'ouvrage qu'il a publié, Mastering Collateral Management and Documentation, va vivement intéresser mes collègues de finance. Christian est également un expert en fiscalité. Il a vraiment pris grand soin à m'accueillir et, disposant de contacts privilégiés au sein de la FED de Chicago (Federal Reserve Bank), il m'a proposé de réaliser une intervention au sein de cette prestigieuse institution sur la Directive européenne en matière d'OPA, sa transposition dans les Etats membres, et les résultats que l'on peut observer aujourd'hui. Etant très circonspect sur l'impact de cette directive, j'avais un certain nombre de choses à dire. J'ai donc réalisé ma présentation devant une trentaine de personnes, principalement des économistes de l'importante équipe de recherche de la FED. Le sujet les intéressait beaucoup. Mon intervention fut suivie d'une visite privée de la FED, et notamment des salles des coffres et de tout le système de tri et de dispatching de l'argent que la FEDC récupére, notamment auprès des banques lorsqu'elles ont trop de "stock". C'est réellement impressionnant, et on a du mal à réaliser que ce sont des centaines de millions de dollars qui s'étalent sous nos yeux...

Christian Johnson me propose très gentiment de mettre à ma disposition un bureau pour la semaine au sein de la Loyola Law School, mais le nombre de rendez-vous que j'avais, m'amenant à aller d'un endroit à un autre de Chicago, ne le justifiait pas. Lors de la visite des locaux de la Law School que Christian me fait faire, j'ai l'opportunité de rencontrer plusieurs de ses collègues, dont le Doyen associé, et un professeur qui a été avocat pendant deux ans au sein du cabinet Bredin Prat, à Paris.

Chicago : Chapter 2 : encore une Law Firm ouverte à la discussion


Une nouvelle réunion au sein d'un grand cabinet d'avocats. Cette fois, à Chicago, je rencontre un partner et un senior counsel de Baker & McKenzie, Madame Leslie A. Bertagnolli et Monsieur Robert L. Berner Jr. Mrs Bertagnolli est spécialisée en droit de la propriété intellectuelle (principalement droit des marques et copyright), que ce soit en matière de conseil ou de procédure judiciaire. Monsieur Berner est spécialisé en corporate counseling et gouvernance. Quitte à me répéter...je suis encore très bien accueilli, pour une longue discussion autour de la performance juridique.

Nous abordons la question du rôle des juristes, et la place centrale (ou non) du département juridique au sein d'une entreprise. Certaines entreprises, de taille importante, bénéficient d'un département juridique pouvant parfois compter jusqu'à cent juristes (ex General Electric). La question du coût lié à la présence d'un département juridique interne est évidemment parfois prise en compte, mais ce paramètre peut être écarté (selon la politique de l'entreprise) au profit d'un objectif d'efficacité. Certaines entreprises pensent qu'elles seront plus efficaces dans la gestion de la décision juridique si elles sont dotées d'un important service interne. Toutefois, l'apport de juristes externes renforce la sensibilité de l'entreprise au risque juridique. Mais il est important de prendre en considération le fait que la "taille" ne règle pas tout. En d'autres termes, se pose la question de la qualité de la relation entre les juristes et les managers. Ces derniers ne sont pas toujours réceptifs au "language" des juristes. Mes interlocuteurs insistent sur le fait qu'l est important qu'au sein de l'entreprise il existe un réel effort de "traduction" du droit. Nous évoquons d'ailleurs un sujet très controversé, à savoir le pragmatisme plus prononcé des juristes nord-américains (ou plus généralement des pays de common law par rapport à ceux des pays de civil law).

Mes interlocuteurs me suggèrent qu'il pourrait être judicieux d'observer la performance juridique (ou la "non performance juridique") en étudiant certaines organisations "disparues", victimes de "krach" spectaculaire. Le lien entre une faible capacité juridique et de mauvais résultats est peut-être plus facile à établir que celui entre une forte capacité juridique et d'excellents résultats...Madame Bertagnolli et Monsieur Berner me signalent plusieurs pistes pertinentes. Plusieurs professeurs de l'Université de Chicago ont ainsi travaillé sur les problématiques d'éthique au sein des law firms et le background des lawyers. Les cabinets de conseil en technologie de l'information peuvent aussi constituer des sources intéressantes de renseignement dans la mesure où ils disposent de nombreuses études de cas, parfois disponibles en ligne sur leur site web, et qu'ils ont l'habitude d'élaborer des modèles de résolution de problèmatique de performance. De plus, ils sont très au fait des questionnements en matière d'outsourcing.

Nous concluons notre discussion sur la nécessité, mais aussi la difficulté, de "customiser" les besoins en organisation juridique dans un contexte de globalisation. Autrement dit, une entreprise doit prendre en considération le fait que les modèles juridiques qu'elle utilise dans un pays pour développer son business, ne sont pas nécessairement appropriés au développement de ses projets dans d'autres pays.

Chicago, on the road again : Chapter 1 - University of Chicago Law School

Mon périple à Chicago a commencé par une visite à la Law School de l'Université de Chicago où j'ai été accueilli chaleureusement par le Professeur Randal C. Picker (Paul H. and Theo Leffmann Professor of Commercial Law). Il a plusieurs centres d'intérêts, et en particulier "bankruptcy law", "Secured Transactions" and "Antitrust". Randal Picker est également Senior Fellow au sein du Computation Institute of the University of Chicago and Argonne National Laboratory, qui est un important laboratoire interdisciplinaire, ce qui prouve l'étendue et la diversité de ses centres d'intérêts.

Mais Randal Picker a aussi écrit un ouvrage passionnant, et unique en son genre, consacré à l'application de la théorie des jeux dans le champ du droit. Game Theory and the Law, qu'il a co-écrit avec D.C. Baird et R.H. Gertner, est impressionnant de clareté et passionnant. J'avais cherché à l'acheter en France, peu de temps avant mon départ, mais il fallait le commander. Ma recherche à la bookstore de l'université ne fut pas plus couronnée de succès. Mais Randal Picker m'en a remis un exemplaire que j'ai commencé à dévorer. Après une présentation de l'application générale de la théorie des jeux dans le champ du juridique, les auteurs développent un certain nombre d'applications dans des domaines spécifiques du droit. La lecture de cet ouvrage, même si elle est loin d'être terminée, ouvre des perspectives intéressantes quand aux applications possibles en matière de "performance juridique".

Randal Picker me fait visiter le campus de l'Université de Chicago. Les infrastructures sont de haut niveau, et il est évident que les financements sont de haut niveau aussi...Ainsi, récemment, un généreux donateur individuel a gratifié l'Université d'une donation de 100 millions de dollars afin de rénover un immeuble...Nous rejoignons ensuite le Faculty Club en vue du déjeuner. Un certain nombre de professeurs de la Law School s'y rendent régulièrement à midi pour leur repas et pour discuter de recherche. J'ai donc l'occasion de rencontrer 6 à 7 professeurs de la Law School et de leur expliquer rapidement sur quels types de projets nous travaillons. Les réactions sont extrêmement intéressantes. Une fois de plus, l'une des remarques porte sur la difficulté à isoler le paramètre juridique afin de déterminer l'impact d'une décision juridique dans le résultat final d'une opération ou d'un projet.

vendredi 27 juillet 2007

Toronto : les collègues y sont aussi très accueillants

Après les avocats, mon périple m'a conduit à rencontrer certains collègues de l'Université de Toronto. Une fois de plus, je n'ai pas été déçu par leur disponibilité et le grand intérêt de nos échanges.

Brian Silverman est professeur (J.R.S. Prichard and Ann Wilson Chair in Management) à l'Université de Toronto, au sein de la Rotman School of Management. Il a publié dans les meilleures revues internationales de management, et a été "editor" du Journal of International Business Studies. Le professeur Silverman est particulièrement intéressé par les développements stratégiques en matière de technologie. Nous échangeons sur les liens entre la stratégie et le droit, et en particulier sur les moyens dont dispose une entreprise pour influencer son environnement juridique. Rapidement, la question du lobbying est abordée. Brian Silverman me signale un certain nombre de collègues impliqués très fortement dans le courant dit "Positive Political Theory". Ainsi Emerson Tiller, professeur de droit à la Northwestern University School of Law. Ses travaux portent notamment sur les forces politiques qui s'expriment en matière de réglementation et de prise de décision judiciaire. Un certain nombre d'entreprises disposent d'une véritable politique en vue d'influencer leur environnement juridique, et de construire une "doctrine juridique" qui leur soit favorable. Guy Holburn, quant à lui, est professeur à la Richard Ivey School of Business (University of Western Ontario). Il écrit beaucoup en matière de "corporate political strategy", et son prochain article "Making Friends in Hostile Environments: Political Strategy in Regulated Industries" sera publié dans Academy of Management Review. Il est aussi très intéressant de consulter les travaux de Witold Henisz, professeur à Warthon. Le résumé de ses travaux est extrêmement édifiant. Je retiens en particulier cette formule "The performance of multinational firms is strongly influenced by their ability to identify the risks and opportunities in the political environments in which they operate and craft strategies that influence policy outcomes in those environments." La performance juridique, c'est également la capacité d'une entreprise à influencer l'environnement législatif et réglementaire qui la concerne.

Mon autre rendez-vous m'a permis de discuter longuement avec des collègues travaillant dans un domaine totalement différent de celui précédemment évoqué. Andrea Slane est Executive Director du Centre for Innovation Law and Policy, University of Toronto - Faculty of Law, et Ariel Katz est professeur, Chair Electronic Commerce, au sein de cette même Faculté de Droit. Le Centre dans lequel ils travaillent est actuellement en plein "changement" et est en train de définir de nouvelles pistes de développement. Il se veut avant tout interdisciplinaire dans le domaine des technologies et de l'innovation, rassemblant les réflexions dans le champ du droit, de la philosophie, des sciences politiques, économiques, avec un intérêt tout particulier pour la propriété intellectuelle, le droit du cyberespace, et la confidentialité. Le site du CILP est très riche à consulter, et j'attire en particulier votre attention sur son "Innovative Magazine". Le CILP bénéficie de l'expertise de professeurs aux expériences différentes, et en particulier dans le domaine du droit de la propriété intellectuelle et du droit de la concurrence. Ariel Katz était membre de l'Israel Antitrust Authority, avant d'embrasser la carrière universitaire. A signaler, au sein de la Faculté de Droit de l'Université de Toronto, une équipe très solide en matière de Law and Economics.

mercredi 25 juillet 2007

Une réunion enrichissante chez Blake, Cassels and Graydon

Une nouvelle rencontre au sein d'un cabinet d'avocats. Une fois de plus, je n'ai pas été déçu. Mes interlocuteurs ont été très amicaux, disponibles, et m'ont permis d'ajouter de nouvelles perspectives à mes réflexions.

Mes deux interlocuteurs ont été Messieurs Richard Corley et John Koch. Richard Corley est associé du cabinet et a distingué à plusieurs reprises comme étant l'un des "lawyers" majeurs au Canada en matière de technologies de l'information. Il est co-responsable au sein du cabinet du groupe "Information Technology" et a publié un certain nombre d'articles dans le domaine de l'outsourcing. Ses travaux ne sont pas sans lien avec la performance, et plus particulièrement avec la gestion et l'évaluation du risque. Quant à Monsieur Koch, également associé au sein de la firme, il est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, et s'implique beaucoup dans l'aspect "gestion des litiges".

Nous abordons la question du caractère stratégique des actions en justice et la question de savoir si les entreprises ont recours à certains outils et process en la matière. Selon eux, peu d'entreprises considèrent que l'action en justice puisse revêtir un caractère stratégique. Toutefois, certaines entreprises de taille importante sont très bien organisées pour gérer à cet effet, avec un service juridique interne et une politique bien élaborée. La difficulté, une fois de plus (ce paramètre revient à plusieurs reprises lors de mes discussions avec des avocats), réside dans la mise au point d'un discours structuré et commun aux juristes et aux non juristes ("business people"). Quant aux entreprises de taille plus petite, l'éventuel recours à une approche stratégique de l'action en justice proviendra des conseils externes. La performance juridique, pour mes interlocuteurs, relève notamment de la capacité d'une entreprise à externaliser le risque juridique et le coût afférent. Les compagnies d'assurance sont évidemment très présentes sur cette question. Egalement, eu égard aux coûts liés au recours à un cabinet d'avocats, certaines entreprises essaient aussi de rationaliser ces coûts, ce qui peut aussi perçu comme un moyen d'améliorer sa "performance juridique".

Néanmoins, Messieurs Corley et Koch sont assez circonspects sur la possibilité de mesurer de manière objective le niveau de "performance juridique" d'une entreprise. Il est vrai qu'une difficulté réside dans le fait de pouvoir isoler le paramètre juridique dans une décision "business", au sein d'un ensemble de paramètres, en vue d'en mesurer la réelle contribution à la performance financière ou stratégique de la firme. Ainsi, par exemple, dans le succès du développement d'un nouveau dispositif contractuel, comment faire la part entre l'intervention du juriste et la pertinence du recours au droit, celle du "commercial", etc... De plus, il faudrait pouvoir mener une étude sur un nombre d'entreprises suffisamment significatif, avec certainement la difficulté d'accéder à certaines données confidentielles. En résumé, ce type de recherche peut se heurter au fameux obstacle de la "boite noire".

Nous terminons notre longue discussion par la référence à une décision de la Cour Suprême du Canada qui doit être rendue dans les jours qui viennent. Cette décision est très attendue par les spécialistes du droit de la propriété intellectuelle car elle viendra dire si le recours au copyright peut constituer un moyen défense efficace en matière d'importation parallèlle ("grey market"), alors que l'épuisement du droit à la marque neutralise le recours au droit des marques. Monsieur Koch a d'ailleurs commenté la décision attaquée devant la Cour Suprême (in Licensing Journal, October 2005, Vol.25, n°9, pp.8-14).

Pour conclure, je remercie Messieurs Corley et Koch pour les contacts qu'ils m'ont transmis.

Petit break...

Un petit passage par la Cour Suprême du Canada à Otttawa

Sans oublier le Ministère de la Justice. On notera au passage que le symbole figurant à l'entrée même de cette noble administration n'est pas la traditionnelle figure de la Justice, mais un superbe orignal !

Cette journée à Ottawa avait été précédée d'une soirée très agréable avec Ejan Mc Kaay, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, et qui se consacre depuis plusieurs années au développement de l'analyse économique du droit. Son Traité d'analyse économique du droit (le premier en français dans le domaine) sera d'ailleurs, en principe, prêt pour l'édition à la fin de l'été.

vendredi 20 juillet 2007

Rencontres à Montréal : avocats et professeurs, suite


Une rencontre fort enrichissante avec Richard Gold, Professeur à la Faculté de droit de Mc Gill (Montréal) et Directeur du Centre des politiques en propriété intellectuelle, et Elsa Henry, Directrice Exécutive de ce même Centre. Un grand merci à eux pour leur accueil très chalueureux. Ce centre, créé en 2003, dédie ses travaux au droit de la propriété intellectuelle, ainsi qu'aux politiques en matière de propriété intellectuelle. Il travaille sur un certain nombre de projets importants, en particulier dans le domaine des biotechnologies, et à ce titre a organisé un certain nombre de workshops à travers le monde : Raleigh (USA) et Florence (Italie) en 2004; Montréal et Florence en 2005; Buenos Aires en 2006.



Parmi les nombreux projets portés par le CIPP, celui qui a le plus attiré mon attention répond à l'acronyme GMPI (Groupe de Modélisation en Propriété Intellectuelle). Ce projet est exemplaire pour trois raisons. D'une part il est international et transdisciplinaire (droit, gestion, économie, philosophie, etc.); or l'on connait la difficulté à travailler en équipe pluridisciplinaire chez les professeurs (notamment à cause des différences dans les systèmes d'évaluation). D'autre part ce projet fait l'objet d'un financement de plusieurs millions de dollars canadiens(financement public, mais qu'il fallait réussir à décrocher). Enfin, sur le fond du projet, il a pour objectif d'aboutir à une cartographie des variables concourant à la formation des systèmes de propriété intellectuelle dans le monde. Ces variables interagissent entre elles (par exemple "plus de reconnaissance des droits de propriété" va entraîner "plus d'incitation à investir"). Le nombre de variables est impressonnant. L'ensemble donne une sorte de carte des variables, contenant toutes les connections existant entre les unes et les autres. A titre d'anecdote, cette gigantesque carte est épinglée sur le mur de l'une des salles de travail du Centre, ce qui permet de pouvoir visualiser l'ensemble à tout moment. L'un des objectifs de cette analyse systémique est d'aider à mieux comprendre le fonctionnement pratique des régimes de propriété intellectuelle, et de réfléchir sur les régimes les plus efficaces.



Le CIPP s'intèresse aussi aux problématiques liées au Web 2.0. Je recommande à tous ceux qu sont intéressés par ce domaine d'aller regarder la vidéo d'une remarquable conférence organisée par le centre, et intitulée : Musical Myopia, Digital Dystopia : New media and copyright reform.
Le lendemain, j'ai eu le plaisir de prendre un long breakfast avec Steven Appelbaum. Ce dernier est professeur à Concordia University, au sein de la John Molson School of Business. Steven Appelbaum est spécialisé en Organizational Development. Il est un chercheur et enseignant très réputé dans son domaine, avec de nombreuses récompenses pour ses travaux. Notre discussion a été fort diversifiée; nous avons même discuté politique. Je remercie très sincèrement Steven pour ses conseils avisés en matière de publication d'articles dans des revues internationales en management. Un certain nombre d'entre elles semblent bien plus ouvertes qu'on ne peut le penser de prime abord, et pourraient être intéressées par des travaux à l'intersection entre le droit et la stratégie.

mercredi 18 juillet 2007

Rencontres à Montréal : avocats et professeurs


Mon séjour à Montréal a été riche en rencontres. J'ai d'abord eu le plaisir de rencontrer longuement Maître Jacques Lemieux, avocat associé au sein du cabinet Desjardins Ducharme, cabinet implanté à Montréal et à Québec, et multidisciplinaire en droit des affaires. Maître Lemieux est spécialisé dans la mise en place d'alliances stratégiques et en fusion-acquisitions. De son point de vue, la gestion des risques par le Droit, peut être conçue comme étant la recherche du juste équilibre entre la solution optimale et la meilleure solution. Indépendamment du secteur d'activité des entreprises, certaines sont plus proactives que d'autres en matière de risque juridique. C'est en tout cas ce que son expérience lui permet d'observer. Il me développe un cas sur lequel il travaille, celui d'une entreprise installant une usine en Inde, et qui doit prioritairement veiller à la sécurité juridique de cette implantation (titre de propriété, mesures de protection). Il y a selon lui des éléments immuables en terme d'actifs et d'investissements.
Nous abordons ensuite la question des droits de propriété intellectuelle. Dès lors que les ressources intangibles constituent sans contestation aucune les sources premières des avantages concurrentiels, la capacité de l'entreprise à gérer les risques liés à sa capacité d'innovation est fondamentale. Maître Lemieux insiste sur le fait que, par exemple, il ne sert à rien de bénéficier d'un portefeuille de brevets si on a pas la capacité à le surveiller, à l'exploiter, à le développer.

De manière plus générale, le risque juridique est selon lui une véritable question de culture d'entreprise. La typologie à laquelle il a recours est extrêmement intéressante. Pour lui, il existe 4 segments d'entreprises : celles qui valorisent le rôle du droit et l'intervention du juriste; celles qui reconnaissent leur importance mais les perçoivent comme un "mal nécessaire"; celles qui n'ignorent pas l'importance du droit dans certains cas, mais l'intègrent par obligation; et enfin celles qui ne reconnaissant par son importance, et considèrent sa prise en compte (et le recours aux juristes) comme étant trop coûteuse. Il note que pour les dirigeants et les managers, la prise en compte du paramètre juridique est souvent fonction de l'expérience de chacun, y compris dans sa vie familiale. Cet élément psychologique peut avoir pour effet qu'ils ne voient pas la valeur ajoutée possible du juriste, mais tout au contraire le fait que le droit peut être destructeur de valeur.

Sur la question (maintenant traditionnelle) des rôles respectifs du juriste interne à l'entreprise et du juriste externe, Maître Lemieux considère que c'est une question délicate. La collaboration est dans certains cas exemplaire. Dans d'autres, le juriste interne essaie de se préserver le plus grand territoire possible, dans la mesure où un dossier relevant d'un projet important pour l'entreprise peut lui permettre de se mettre en valeur. Maître Lemieux juge aussi capitale la capacité du juriste à revenir, lorsque c'est nécessaire, vers les opérationnels (par exemple la direction des ventes), afin d'instaurer le dialogue nécessaire à la meilleure compréhension de la situation. Bref, le contraire du juriste "empêcheur de tourner en rond".

Sans surprise, Maître Lemieux confirme l'importance, à ses yeux, de la question de la "disclosure" pour les sociétés cotées, même si le Canada ne dispose pas d'un texte aussi contraignant que la Loi "Sox" de son voisin les Etats-Unis. Il insiste sur le fait que le Québec n'a pas la même culture procédurière que les Etats-Unis; la philosopie des litiges n'est pas la même. Certes il existe aussi les dommages punitifs, mais un plafond est fixé par les tribunaux, ce qui évite bon nombre de dérapages. Le Québec a été pionnier en matière de recours collectif, mais les risques de perversion du système liés à des avocats particulièrement agressifs sont mieux jugulés, de par l'existence d'un fonds spécial géré par le gouvernement. Il me "confirme" aussi l'importance, en période de crise pour l'entreprise, de se doter d'un porte-parole, voire de plusieurs selon les situations, qui ne soient pas les avocats de l'entreprise.

La suite demain...

lundi 16 juillet 2007

It is a class action's world : suite


Suite de mon billet posté hier :

Les class actions représentent pour certains cabinets d'avocats un fruit bien juteux. Parfois même un peu trop...Des avocats associés d'un cabinet américain, Milberg Weiss & Bershad, sont en effet en train de se débattre avec la justice américaine. Ce cabinet s'est doté d'une forte réputation dans le domaine des class actions, notamment au profit d'actionnaires mécontents de la gestion de sociétés dans lesquelles ils étaient impliqués. David Bershad, l'un des managing partners d'origine, a plaidé coupable du délit de conspiration en vue de faire obstruction à la justice. L'un des autres partners initiaux, Steven Schulman, a plaidé pour sa part non coupable. Le procureur espère pouvoir engager aussi des poursuites à l'encontre de deux autres avocats partculièrement réputés en matière de class actions : Melvyn Weiss et Bill Lerach. Cela fait sept ans que le gouvernement américain mène une investigation portant sur les pratiques de ces avocats. Selon le procureur, certains avocats auraient rémunéré certains individus afin qu'ils soient "lead plaintiffs" dans de nombreuses class actions gérées par le cabinet. Les sommes ainsi versées pourraient se monter à 11 millions de dollars US, le cabinet ayant reçu au cours de ces 20 dernières années plus de 200 millions de dollars US en honoraires dans le cadre de class actions ! Un bel exemple de risque juridique attisé par un acteur y trouvant un intérêt direct, qui se retourne contre ce dernier...Pour plus d'informations, voir notamment le site d'insurance journal.

Bien évidemment, il arrive que les juges rejetent les requêtes en recours collectif (class action). La Cour Suprême du Canada vient de rejeter une class action engagée par un groupe de défense des intérêts des consommateurs en mai 2003 (eh oui, il n'y a pas qu'en France que certaines procédures peuvent prendre un temps certain à l'égard de la société Dell. Il était reproché à Dell d'avoir affiché en ligne des prix de revente largement inférieurs au prix réel auquel la société revendait ses produits. Le contrat en ligne "proposé" par Dell contenait une clause d'arbitrage. Selon le demandeur, cette clause ne pouvait être valable, dès lors qu'elle empêchait tout recours collectif. La Cour Suprême du Canada a donc considéré que la clause trouvait à s'appliquer, nonobstant un changement récent dans la législation québecoise. Pour plus de développements, voir notamment le site canadien branchezvous.com.




dimanche 15 juillet 2007

It is a class action's world !

Une petite photo prise ce matin...Pas de rapport particulier avec ce qui suit...

Comme je l'ai évoqué dans un bllet précédent, les class actions alimentent beaucoup les chroniques judicaires en Amérique du Nord. J'ai ainsi pu voir publié, dans un grand quotidien américain, une note d'information du public dans le cadre d'une plainte déposée (sous la forme d'une class action) devant le "Circuit Court of Shelby County, Tennessee, for the Thirtieth Judicial District at Memphis). Cette plainte a été déposée par Glenda Wale, à l'encontre (notamment) des sociétés Bayer AG et Bayer Corporation. Le fondement de cette plainte réside pincipalement sur des accords passés entre entreprises en vue de fixer le prix de "rubber chemicals" utilisés dans la fabrication de certains produits, tels que les pneus pour automobile. Selon le plaignant, ces accords ont eu pour résultat que les consommateurs des produits contenant ces "rubber chemicals" ont payé un prix plus élevé que celui qu'ils auraient versé sans l'existence de cette entente. D'autres plaintes identiques ont été déposées dans d'autres Etats (notamment Floride, Michigan, New York). La class action est menée par plusieurs cabinets d'avocats, dénommés "class counsel", et ayant été retenus par le juge.

Les entreprises en cause, bien que réfutant toutes les allégations présentes dans la plainte, ont toutefois proposé une somme d'argent en vue d'aboutir à un réglement du litige (2 millions de dollards pour l'une, 1,7 million de dollars pour l'autre). Le class counsel précise bien qu'en cas d'acceptation de la proposition de réglement par le juge, tous les "membres" du "settlement class" ne pourront plus engager leur propre action à l'encontre des entreprises en cause, et que le class counsel sera rémunéré, le montant de cette rémunération ne pouvant pas excéder 1/3 des montants proposés par les entreprises, à laquelle il convient d'ajouter le remboursement des dépenses (ne pouvant excéder 100.000 $ plus les intérêts). Les fonds restant seront versés à des organismes à but non lucratif, ayant pour objet la promotion de la défense de la concurrence sur le marché et la protection des consommateurs. Le class counsel est convaincu que cette proposition de réglement est loyale et raisonnable. Tout objectif de distribuer les fonds aux membres individuels de la class action présenterait des coûts administratifs prohibitifs, qui absorberaient l'ensemble des fonds.

La publication dans la presse de cette proposition de réglement a en fait pour objectif d'informer le public, et plus particulièrement tous les consommateurs concernés, en leur énonçant que leurs droits peuvent être affectés par la proposition de réglement de la class action. Les membres de la class action sont donc confrontés à plusieurs options : participer au réglement; demander à être exlu du settlement class et des réglements; rester dans la class action, tout en formulant des commentaires en faveur ou en défaveur de la proposition de réglement.

Ce cas est passionnant en terme d'agrégation et d'évaluation des risques. En effet, trois types de risques "micro" sont en jeu. D'une part ceux des consommateurs, qui ont à décider s'ils participent ou pas au réglement; d'autre part ceux des entreprises en cause qui doivent décider si elles proposent un réglement pour éviter à la class action de prospérer ou si elles assument une avancée du litige; enfin, ceux des avocats qui ont engagé des frais pour la gestion de la class action.

Je reviendrais demain sur les "à coté" des class actions, avec une procédure pénale actuellement en cours à l'encontre de certains avocats qui ont eu recours à des procédés douteux pour développer leur leadership en matière de class actions