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Le tant attendu
rapport Doing Business 2009 élaboré par la World Bank Group (Groupe de la Banque Mondiale) vient d'être publié. Ce rapport est produit depuis 2004 et a pour objectif, si l'on résume, de classer 181 pays selon leur capacité à mettre en place des réglementations facilitant le développement des affaires (et donc le développement de l'économie). La France est cette année classée
31ème. Le Top 10 rassemble, dans l'ordre, Singapour, la Nouvelle-Zélande, Les Etats-Unis, Hong Kong, le Danemark, le Royaume-Uni, l'Irelande, le Canada, l'Ausralie, et la Norvège.
Pour réaliser ce classement, l'équipe en charge du rapport a recours à une méthodologie mobilisant
10 indicateurs : création d'entreprise; octroi de permis de construire; embauche des travailleurs; transfert de propriété; obtention des prêts; protection des investisseurs; paiement des taxes et impôts; commerce transfrontalier; exécution des contrats; faillites d'entreprise.
Les années précédentes, le classement de la France n'était pas meilleur (euphémisme), et on a pu l'interprêter comme étant nettement défavorable aux systèmes civilistes. Ainsi, l'Association Henri Capitant, qui a notamment pour objet la promotion de la culture juridique française, s'en est émue et a édité un
ouvrage en réponse, très critique à l'égard de la méthodologie utilisée par le Groupe Banque Mondiale. Il est indéniable que l'idéologie ayant guidé la construction de la méthodologie n'est pas vraiment d'inspiration romano-germanique...Il existe un certain nombre de biais au niveau des critères permettant de noter sur chaque indicateur. Ainsi, par exemple, pour l'indicateur "enforcing contracts" ("exécution des contrats"), les questions s'articulent autour d'un "exemple", qui est celui du recouvrement d'une dette commerciale par les tribunaux. On peut s"interroger sur la pertinence de ce choix. Certains critères portent sur la durée de la procédure et de la résolution du litige, les frais d'avocats, les coûts judiciaires, les coûts d'exécution de la décision, etc. Mais on constate l'absence de critères relatifs à la formation des magistrats, à leur sélection, à leur indépendance, questions pourtant essentielles pour l'administration d'une justice de qualité. Et ceci n'est qu'un exemple...On pourrait aussi évoquer la limite inhérente à une méthode basée en partie sur la production législative/réglementaire, alors même que l'on sait très bien qu'un texte de cette nature n'est pas nécessairement suivi d'effet, et que son application peut rester pure chimère.
Néanmoins, ce classement a le mérite de pouvoir encourager les pays à simplifier les lourdeurs admnistratives pénalisant la création d'entreprise et le développement de l'économie. Depuis sa première version en 2004, il a été notablement amélioré, comme le prouve le millésime 2009. Tout en ayant soulevé, à juste titre, des lacunes méthodologiques, l'Association Henri Capitant s'est néanmoins laissé quelque peu emporté par son souci louable de défendre la culture juridique française et les régimes civilistes. Mon collègue Christophe Collard souligne que l'Association ne craint pas d'écrire : "
le rapport... n'hésite pas à se disqualifier lui-même en classant par exemple la France à la 44ème place en termes d'environnement juridique des affaires, c'est-à-dire derrière la Jamaïque, le Botswana ou les îles Tonga". Et alors ? Doit-on postuler que ces "petits" pays sont nécessairement moins performants en terme d'environnement juridique que la France, ce superbe parangon du régime civiliste ?
Mesurer la performance des pays en terme de cadre juridique des affaires (est-il incitatif ou dissuasif ? Contribue t'il à la compétitivité d'un pays ?) est une tâche extrêmement salutaire. Elle est certes complexe, et nécessite un aménagement des critères au fur et à mesure que des biais ou des lacunes sont détectées.