jeudi 11 septembre 2008

Le Rapport Doing Business 2009 : la France dans le Top...30...

Le tant attendu rapport Doing Business 2009 élaboré par la World Bank Group (Groupe de la Banque Mondiale) vient d'être publié. Ce rapport est produit depuis 2004 et a pour objectif, si l'on résume, de classer 181 pays selon leur capacité à mettre en place des réglementations facilitant le développement des affaires (et donc le développement de l'économie). La France est cette année classée 31ème. Le Top 10 rassemble, dans l'ordre, Singapour, la Nouvelle-Zélande, Les Etats-Unis, Hong Kong, le Danemark, le Royaume-Uni, l'Irelande, le Canada, l'Ausralie, et la Norvège.


Pour réaliser ce classement, l'équipe en charge du rapport a recours à une méthodologie mobilisant 10 indicateurs : création d'entreprise; octroi de permis de construire; embauche des travailleurs; transfert de propriété; obtention des prêts; protection des investisseurs; paiement des taxes et impôts; commerce transfrontalier; exécution des contrats; faillites d'entreprise.


Les années précédentes, le classement de la France n'était pas meilleur (euphémisme), et on a pu l'interprêter comme étant nettement défavorable aux systèmes civilistes. Ainsi, l'Association Henri Capitant, qui a notamment pour objet la promotion de la culture juridique française, s'en est émue et a édité un ouvrage en réponse, très critique à l'égard de la méthodologie utilisée par le Groupe Banque Mondiale. Il est indéniable que l'idéologie ayant guidé la construction de la méthodologie n'est pas vraiment d'inspiration romano-germanique...Il existe un certain nombre de biais au niveau des critères permettant de noter sur chaque indicateur. Ainsi, par exemple, pour l'indicateur "enforcing contracts" ("exécution des contrats"), les questions s'articulent autour d'un "exemple", qui est celui du recouvrement d'une dette commerciale par les tribunaux. On peut s"interroger sur la pertinence de ce choix. Certains critères portent sur la durée de la procédure et de la résolution du litige, les frais d'avocats, les coûts judiciaires, les coûts d'exécution de la décision, etc. Mais on constate l'absence de critères relatifs à la formation des magistrats, à leur sélection, à leur indépendance, questions pourtant essentielles pour l'administration d'une justice de qualité. Et ceci n'est qu'un exemple...On pourrait aussi évoquer la limite inhérente à une méthode basée en partie sur la production législative/réglementaire, alors même que l'on sait très bien qu'un texte de cette nature n'est pas nécessairement suivi d'effet, et que son application peut rester pure chimère.


Néanmoins, ce classement a le mérite de pouvoir encourager les pays à simplifier les lourdeurs admnistratives pénalisant la création d'entreprise et le développement de l'économie. Depuis sa première version en 2004, il a été notablement amélioré, comme le prouve le millésime 2009. Tout en ayant soulevé, à juste titre, des lacunes méthodologiques, l'Association Henri Capitant s'est néanmoins laissé quelque peu emporté par son souci louable de défendre la culture juridique française et les régimes civilistes. Mon collègue Christophe Collard souligne que l'Association ne craint pas d'écrire : "le rapport... n'hésite pas à se disqualifier lui-même en classant par exemple la France à la 44ème place en termes d'environnement juridique des affaires, c'est-à-dire derrière la Jamaïque, le Botswana ou les îles Tonga". Et alors ? Doit-on postuler que ces "petits" pays sont nécessairement moins performants en terme d'environnement juridique que la France, ce superbe parangon du régime civiliste ?


Mesurer la performance des pays en terme de cadre juridique des affaires (est-il incitatif ou dissuasif ? Contribue t'il à la compétitivité d'un pays ?) est une tâche extrêmement salutaire. Elle est certes complexe, et nécessite un aménagement des critères au fur et à mesure que des biais ou des lacunes sont détectées.

3 commentaires:

B du Marais a dit…

sur le thème des limites de doign business, je me permets de vous signaler également les travaux que j'ai menées jusqu'en 2007 :
« Des indicateurs pour mesurer le droit ? Les limites des rapports Doing business » sous la direction de Bertrand du MARAIS;
La Documentation française, septembre 2006
16 x 24 cm, 158 pages, 21 €
n° ISBN : 2-11-006244-4
ou www.ladocumentationfrancaise.fr
e tles autres travaux disponibles:
http://www.gip-recherche-justice.fr/aed.htm
Je m'étais attelé à corriger les nombreuses erreurs de la méthodologie employée par Doing Business, pourtant élaborée par l’un des plus prestigieux économistes d’Harvard, Andrei Shleifer.

Cela avait permis à la France de progresser de 16 places entre 2005 et 2007 dans ce classement.

Enfin, ces critiques ont été reprises par un audit officiel très sécère de la Banque Mondiale elle-même en juin 2008:
rapport du Groupe indépendant d’évaluation de la Banque Mondiale :
http://www.worldbank.org/ieg >rubrique :
“Doing Business an independent evaluation”

Le seul motif d'étonnement que l'on peut avoir est que le nouveau rapport ne semble pas dire un mot de cette critique interne...

Bonne lecture
Bertrand du Marais

Christophe Roquilly a dit…

Je suis sincèrement honoré qu'un Conseiller d'Etat parcourt mon blog. Je vous remercie de ces précisions très utiles. Le problème d'un blog est que l'on reste parfois superficiel, sauf à se concentrer exclusivement sur un sujet et/ou à y passer beaucoup de temps. J'aurais du citer votre travail publié à la Documentation Française, d'autant plus que nous en avons un exemplaire au Département Juridique de l'EDHEC.
J'étais par contre passé à coté du rapport du Groupe indépendant d'évaluation. Je vais m'y plonger.
Encore merci.

Anonyme a dit…
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