C'est sans grande surprise que la Cour d'appel de Paris a confirmé, par un arrêt en date du 4 février 2009, la décision rendue par le Conseil de la concurrence, enjoignant à Apple et à France Télécom de suspendre leurs accords d'exclusivité, tant au niveau de la fourniture que de l'approvisionnement. La Cour d'appel rejette les arguments développés par Apple et France Télécom, et retient la perte du bénéfice du réglement d'exemption 2790-1999, eu égard à la présence de clauses contractuelles indésirables. Celles-ci sont constitutives d'un verrouillage du marché en ce qu'elles empêchent toute vente croisée active et restreignent considérablement les ventes actives ou passives aux utilisateurs finals. Le montage d'exclusivités issu des contrats passés entre Apple et Orange, est constitutif d'une atteinte à la concurrence dans la mesure où il présente un risque fort de cloisonnement du marché. Dès lors que l'article 81 § 1 du Traité CE trouve à s'appliquer, l'espoir des deux partenaires contractuels résidait dans la possibilité d'une exemption au titre du paragraphe 3. Orange a donc évidemment tenté de faire valoir que les contrats en cause se traduisaient par des gains d'efficience, favorables in fine aux consommateurs. Mais la cour d'appel balaie cette opportunité en s'en tenant à la froideur des données comptables. Selon les juges, Orange aurait dégagé grace à la vente des iPhone, un bénéfice net d'environ 139 millions d'euros, tout en ayant investi environ 16,5 millions d'euros pour les deux modèles (2G et 3G). Qui plus est, l'investissement pour l'opérateur était relativement peu risqué étant donné la notoriété des marques Apple et iPhone, et le succès rencontré par le produit aux Etats-Unis. De plus, le subventionnement assuré par l'opérateur ne saurait justifier à lui seul une exclusivité d'une durée aussi longue. La Cour d'appel de Paris conclut donc à la caractérisation d'une atteinte grave et immédiate justifiant des mesures conservatoires, les accords étant susceptibles de renforcer la position dominante d'Orange.
Sans présumer de la décision au fond, et sachant que certaines éléments retenus par la Cour d'appel de Paris (comme avant elle par le Conseil de la concurrence") peuvent être soumis à la critique (notamment l'assimilation iPod / iPhone, ou encore l'impossibilité de lire les fichiers musicaux achetés sur iTunes sur un autre terminal que l'iPod ou l'iPhone), il n'est guère discutable qu'Orange et Apple sont allés très loin dans le verrouillage du marché. Il est difficile de croire que le scénario d'une intervention des autorités de la concurrence, pouvant aboutir à une suspension - voire une interdiction définitive - des accords dans leur format actuel, n'ait pas été anticipé par les deux partenaires. Pour Apple, et comme j'ai pu l'écrire précédemment, les conséquences ne sont guère malheureuses, et les débouchés pour son produit s'en trouvent démultipliés. Pour Orange, les mois pendant lesquels les accords lui ont permis de créer et de capturer de la valeur, tant au niveau des solutions et des services accessibles sur son réseau de téléphonie mobile, qu'en terme de nouveaux abonnés et d'image de marque, lui ont donné un avantage concurrentiel. Celui-ci ne sera durable que si Orange est capable de capitaliser sur ces acquis, et de continuer à capter une clientèle grace à un produit qu'Orange ne sera plus seul à pouvoir distribuer ou à accueillir sur son réseau à des conditions avantageuses.
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