mercredi 4 juillet 2007

Boston : réunion avec des avocats d'un grand cabinet d'affaires


Continuant mon périple et mes rencontres avec des juristes du monde académique et du milieu des praticiens, j'ai eu le plaisir de rencontrer trois partners d'un très grand cabinet de Boston : Bingham McCutchen. Ce cabinet a d'ailleurs été classé par le magazine Fortune comme faisant partie des 100 premières entreprises pour lesquelles travailler aux USA en 2007 ! Je remercie très sincèrement Madame Alicia Downey, partner du cabinet, pour avoir organisé cette rencontre de 3 heures (!), ainsi que ses confrères, Elaine McChesney et Daniel Savrin. Quand on connaît l'emploi du temps des avocvats d'affaires, en particulier aux US, c'est véritablement plus qu'aimable de leur part.

La discussion a été passionnante. Puisqu'il était question du management des risques juridiques, il m'a de prime abord été expliqué que le métier d'avocats d'affaires est aujourd'hui fortement axé sur la gestion des risques, sachant que l'un des challenges à relever pour ces praticiens du droit est de trouver le parfait équilibre entre la défense des intérêts de leurs clients et ceux de leur cabinet. Les dirigeants et managers qu'ils cotoient dans le cadre de la gestion de leurs dossiers ont en général conscience qu'il existe un environnement juridique qu'il convient d'intégrer dans le développement de leurs projets, mais ne sont pas toujours capables de les exprimer correctement au regard de la loi.

La discussion a mis en évidence trois domaines qui sont, selon eux, clairement porteurs de risques, et qui modifent la manière dont les entreprises mènent leurs actions . D'une part les class actions qui sont très largement relayées par la presse, que ce soit directement par les journalistes, ou par les avocats des plaignants qui recherchent à réunir le maximum de demandeurs. Certains secteurs sont particulièrement touchés, notamment celui de l'industrie pharmaceutique. Il est même arrivé qu'une entreprise soit touchée par une class action "issue" des consommateurs, et par une autre provenant des actionnaires. Même si le système des class actions présente théoriquement un intérêt, en particulier celui de pousser à négocier, il a ouvert un véritable autoroute à litiges, dont certains avocats usent et même...abusent...Eu égard aux risques économiques que présente une class action, une analyse ex ante des risques de la laisser se développer s'avère inévitable.

Le deuxième domaine sur lequel ils ont attiré mon attention est celui de "l'e-discovery" (electronic discovery). La procédure de "discovery" est très importante dans le système judiciaire américain. L'e-discovery, si l'on peut-dire, n'en est que l'expression pour les documents dématérialisés. Les données de tout type sont soumises à cette obligation de "discovery" : textes, images, présentation powerpoint, documents excel, fichiers audio, etc. Cela peut s'avérer redoutable dans des cas de droit de la concurrence, tels que ceux de pratiques de prix par exemple. Le rôle des avocats est ici très important car ils sont censés vérifier pour leur client les données qui vont être transmises. Si cette transmission ne se fait pas correctement, l'entreprise risque des "punitive damages" et les lawyers des poursuites pour "mauvaise pratique". A l'origine, la procédure de discovery a été créée pour éviter que des pièces "surprise" soient produites par l'une des parties, et aussi pour favoriser les réglements à l'amiable. Ceci étant, l'e-discovery génère un coût qu peut être énorme pour l'entreprise : jusqu'à plusieurs millions de dollars ! La masse de données à collecter et à traiter peut être gigantesque. De plus, elle pose le problème de la communication entre juristes et spécialistes de l'informatique, qui ne se fait pas toujours de manière aisée. Le développement de l'e-discovery a même créer un business pour des sociétés spécialisées dans la collecte et le traitement des informations prêtes à être transmises. Certaines sociétés ont même recours à lexternalisation en Inde !

Existe t'il des moyens de limiter le type d'informations à transmettre ? Les lawyers de Bingham McCutchen évoquent le "protectve order" qu'ils peuvent demander à un juge, dès lors que les informations peuvent toucher au secret des affaires ou au secret de l'innovation, et donner à des concurrents des informations sensibles. Mais une telle exception est difficile à obtenir et dépend énormément du bon vouloir du juge. Egalement, il est possible d'essayer de remettre en cause la demande si elle est sans fondement (en quelque sorte un abus du recours à la procédure du discovery), mais là encore ce ne sera pas chose facile. Enfin, un autre moyen possible dans le cadre de relations contractuelles, est d'insérer dans le contrat une clause limitant l'e-discovery (cest-à-dre limitant le type et le nombre d'informations à transmettre). Mais une telle clause ne se met pas en place aisément car elle va aussi limiter la capacité de l'autre partie à recourir à la discovery.

Enfin, le troisième domaine à haut risque selon mes interlocuteurs est celui des media, et particulièrement de la presse et des chaines de télévision cablées. En effet, de nombreux litiges, actions en justice, procédures judiciaires, sont rapidement extrêmement médiatisés dans la société américaine. Dès lors, de nombreuses sociétés ont créé des postes de responsable de la communication de crise afin de s'exprimer auprès des media dans ces contextes sensibles. La maitrise de cette communication est d'autant plus importante que les attaquants vont lancer leur opération au moment où la cible sera la plus vulnérable. Pour mes interlocuteurs, ce n'est en tout cas pas au lawyer de s'exprimer devant les media pour leur client.

Enfin, ce développement d'un environnement qui peut être à haut risque juridique, s'accompagne d'un développement des "compliance programmes" au sein des entreprises. Ces programmes constituent un moyen intéressant de diffuser une culture du risque juridique, de communiquer sur les règles de sécurité à respecter au sein de l'entreprise, et de mieux se préparer à d'éventuelles poursuites judiciaires.

1 commentaire:

Virginie a dit…

Bonjour !

Je découvre votre blog tout à fait par hasard en recherchant des cabinets d'avocats à Boston pour un stage cet été.

J'aime beaucoup votre approche du droit !

Si vous avez d'autres noms de cabinets à Boston, n'hésitez pas !!!