Après les avocats, mon périple m'a conduit à rencontrer certains collègues de l'Université de Toronto. Une fois de plus, je n'ai pas été déçu par leur disponibilité et le grand intérêt de nos échanges.
Brian Silverman est professeur (J.R.S. Prichard and Ann Wilson Chair in Management) à l'Université de Toronto, au sein de la Rotman School of Management. Il a publié dans les meilleures revues internationales de management, et a été "editor" du Journal of International Business Studies. Le professeur Silverman est particulièrement intéressé par les développements stratégiques en matière de technologie. Nous échangeons sur les liens entre la stratégie et le droit, et en particulier sur les moyens dont dispose une entreprise pour influencer son environnement juridique. Rapidement, la question du lobbying est abordée. Brian Silverman me signale un certain nombre de collègues impliqués très fortement dans le courant dit "Positive Political Theory". Ainsi Emerson Tiller, professeur de droit à la Northwestern University School of Law. Ses travaux portent notamment sur les forces politiques qui s'expriment en matière de réglementation et de prise de décision judiciaire. Un certain nombre d'entreprises disposent d'une véritable politique en vue d'influencer leur environnement juridique, et de construire une "doctrine juridique" qui leur soit favorable. Guy Holburn, quant à lui, est professeur à la Richard Ivey School of Business (University of Western Ontario). Il écrit beaucoup en matière de "corporate political strategy", et son prochain article "Making Friends in Hostile Environments: Political Strategy in Regulated Industries" sera publié dans Academy of Management Review. Il est aussi très intéressant de consulter les travaux de Witold Henisz, professeur à Warthon. Le résumé de ses travaux est extrêmement édifiant. Je retiens en particulier cette formule "The performance of multinational firms is strongly influenced by their ability to identify the risks and opportunities in the political environments in which they operate and craft strategies that influence policy outcomes in those environments." La performance juridique, c'est également la capacité d'une entreprise à influencer l'environnement législatif et réglementaire qui la concerne.
Mon autre rendez-vous m'a permis de discuter longuement avec des collègues travaillant dans un domaine totalement différent de celui précédemment évoqué. Andrea Slane est Executive Director du Centre for Innovation Law and Policy, University of Toronto - Faculty of Law, et Ariel Katz est professeur, Chair Electronic Commerce, au sein de cette même Faculté de Droit. Le Centre dans lequel ils travaillent est actuellement en plein "changement" et est en train de définir de nouvelles pistes de développement. Il se veut avant tout interdisciplinaire dans le domaine des technologies et de l'innovation, rassemblant les réflexions dans le champ du droit, de la philosophie, des sciences politiques, économiques, avec un intérêt tout particulier pour la propriété intellectuelle, le droit du cyberespace, et la confidentialité. Le site du CILP est très riche à consulter, et j'attire en particulier votre attention sur son "Innovative Magazine". Le CILP bénéficie de l'expertise de professeurs aux expériences différentes, et en particulier dans le domaine du droit de la propriété intellectuelle et du droit de la concurrence. Ariel Katz était membre de l'Israel Antitrust Authority, avant d'embrasser la carrière universitaire. A signaler, au sein de la Faculté de Droit de l'Université de Toronto, une équipe très solide en matière de Law and Economics.
vendredi 27 juillet 2007
mercredi 25 juillet 2007
Une réunion enrichissante chez Blake, Cassels and Graydon
Une nouvelle rencontre au sein d'un cabinet d'avocats. Une fois de plus, je n'ai pas été déçu. Mes interlocuteurs ont été très amicaux, disponibles, et m'ont permis d'ajouter de nouvelles perspectives à mes réflexions.
Mes deux interlocuteurs ont été Messieurs Richard Corley et John Koch. Richard Corley est associé du cabinet et a distingué à plusieurs reprises comme étant l'un des "lawyers" majeurs au Canada en matière de technologies de l'information. Il est co-responsable au sein du cabinet du groupe "Information Technology" et a publié un certain nombre d'articles dans le domaine de l'outsourcing. Ses travaux ne sont pas sans lien avec la performance, et plus particulièrement avec la gestion et l'évaluation du risque. Quant à Monsieur Koch, également associé au sein de la firme, il est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, et s'implique beaucoup dans l'aspect "gestion des litiges".
Nous abordons la question du caractère stratégique des actions en justice et la question de savoir si les entreprises ont recours à certains outils et process en la matière. Selon eux, peu d'entreprises considèrent que l'action en justice puisse revêtir un caractère stratégique. Toutefois, certaines entreprises de taille importante sont très bien organisées pour gérer à cet effet, avec un service juridique interne et une politique bien élaborée. La difficulté, une fois de plus (ce paramètre revient à plusieurs reprises lors de mes discussions avec des avocats), réside dans la mise au point d'un discours structuré et commun aux juristes et aux non juristes ("business people"). Quant aux entreprises de taille plus petite, l'éventuel recours à une approche stratégique de l'action en justice proviendra des conseils externes. La performance juridique, pour mes interlocuteurs, relève notamment de la capacité d'une entreprise à externaliser le risque juridique et le coût afférent. Les compagnies d'assurance sont évidemment très présentes sur cette question. Egalement, eu égard aux coûts liés au recours à un cabinet d'avocats, certaines entreprises essaient aussi de rationaliser ces coûts, ce qui peut aussi perçu comme un moyen d'améliorer sa "performance juridique".
Néanmoins, Messieurs Corley et Koch sont assez circonspects sur la possibilité de mesurer de manière objective le niveau de "performance juridique" d'une entreprise. Il est vrai qu'une difficulté réside dans le fait de pouvoir isoler le paramètre juridique dans une décision "business", au sein d'un ensemble de paramètres, en vue d'en mesurer la réelle contribution à la performance financière ou stratégique de la firme. Ainsi, par exemple, dans le succès du développement d'un nouveau dispositif contractuel, comment faire la part entre l'intervention du juriste et la pertinence du recours au droit, celle du "commercial", etc... De plus, il faudrait pouvoir mener une étude sur un nombre d'entreprises suffisamment significatif, avec certainement la difficulté d'accéder à certaines données confidentielles. En résumé, ce type de recherche peut se heurter au fameux obstacle de la "boite noire".
Nous terminons notre longue discussion par la référence à une décision de la Cour Suprême du Canada qui doit être rendue dans les jours qui viennent. Cette décision est très attendue par les spécialistes du droit de la propriété intellectuelle car elle viendra dire si le recours au copyright peut constituer un moyen défense efficace en matière d'importation parallèlle ("grey market"), alors que l'épuisement du droit à la marque neutralise le recours au droit des marques. Monsieur Koch a d'ailleurs commenté la décision attaquée devant la Cour Suprême (in Licensing Journal, October 2005, Vol.25, n°9, pp.8-14).
Pour conclure, je remercie Messieurs Corley et Koch pour les contacts qu'ils m'ont transmis.
Mes deux interlocuteurs ont été Messieurs Richard Corley et John Koch. Richard Corley est associé du cabinet et a distingué à plusieurs reprises comme étant l'un des "lawyers" majeurs au Canada en matière de technologies de l'information. Il est co-responsable au sein du cabinet du groupe "Information Technology" et a publié un certain nombre d'articles dans le domaine de l'outsourcing. Ses travaux ne sont pas sans lien avec la performance, et plus particulièrement avec la gestion et l'évaluation du risque. Quant à Monsieur Koch, également associé au sein de la firme, il est spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, et s'implique beaucoup dans l'aspect "gestion des litiges".
Nous abordons la question du caractère stratégique des actions en justice et la question de savoir si les entreprises ont recours à certains outils et process en la matière. Selon eux, peu d'entreprises considèrent que l'action en justice puisse revêtir un caractère stratégique. Toutefois, certaines entreprises de taille importante sont très bien organisées pour gérer à cet effet, avec un service juridique interne et une politique bien élaborée. La difficulté, une fois de plus (ce paramètre revient à plusieurs reprises lors de mes discussions avec des avocats), réside dans la mise au point d'un discours structuré et commun aux juristes et aux non juristes ("business people"). Quant aux entreprises de taille plus petite, l'éventuel recours à une approche stratégique de l'action en justice proviendra des conseils externes. La performance juridique, pour mes interlocuteurs, relève notamment de la capacité d'une entreprise à externaliser le risque juridique et le coût afférent. Les compagnies d'assurance sont évidemment très présentes sur cette question. Egalement, eu égard aux coûts liés au recours à un cabinet d'avocats, certaines entreprises essaient aussi de rationaliser ces coûts, ce qui peut aussi perçu comme un moyen d'améliorer sa "performance juridique".
Néanmoins, Messieurs Corley et Koch sont assez circonspects sur la possibilité de mesurer de manière objective le niveau de "performance juridique" d'une entreprise. Il est vrai qu'une difficulté réside dans le fait de pouvoir isoler le paramètre juridique dans une décision "business", au sein d'un ensemble de paramètres, en vue d'en mesurer la réelle contribution à la performance financière ou stratégique de la firme. Ainsi, par exemple, dans le succès du développement d'un nouveau dispositif contractuel, comment faire la part entre l'intervention du juriste et la pertinence du recours au droit, celle du "commercial", etc... De plus, il faudrait pouvoir mener une étude sur un nombre d'entreprises suffisamment significatif, avec certainement la difficulté d'accéder à certaines données confidentielles. En résumé, ce type de recherche peut se heurter au fameux obstacle de la "boite noire".
Nous terminons notre longue discussion par la référence à une décision de la Cour Suprême du Canada qui doit être rendue dans les jours qui viennent. Cette décision est très attendue par les spécialistes du droit de la propriété intellectuelle car elle viendra dire si le recours au copyright peut constituer un moyen défense efficace en matière d'importation parallèlle ("grey market"), alors que l'épuisement du droit à la marque neutralise le recours au droit des marques. Monsieur Koch a d'ailleurs commenté la décision attaquée devant la Cour Suprême (in Licensing Journal, October 2005, Vol.25, n°9, pp.8-14).
Pour conclure, je remercie Messieurs Corley et Koch pour les contacts qu'ils m'ont transmis.
Petit break...
Un petit passage par la Cour Suprême du Canada à Otttawa
Sans oublier le Ministère de la Justice. On notera au passage que le symbole figurant à l'entrée même de cette noble administration n'est pas la traditionnelle figure de la Justice, mais un superbe orignal !
Cette journée à Ottawa avait été précédée d'une soirée très agréable avec Ejan Mc Kaay, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal, et qui se consacre depuis plusieurs années au développement de l'analyse économique du droit. Son Traité d'analyse économique du droit (le premier en français dans le domaine) sera d'ailleurs, en principe, prêt pour l'édition à la fin de l'été.
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