vendredi 20 juillet 2007

Rencontres à Montréal : avocats et professeurs, suite


Une rencontre fort enrichissante avec Richard Gold, Professeur à la Faculté de droit de Mc Gill (Montréal) et Directeur du Centre des politiques en propriété intellectuelle, et Elsa Henry, Directrice Exécutive de ce même Centre. Un grand merci à eux pour leur accueil très chalueureux. Ce centre, créé en 2003, dédie ses travaux au droit de la propriété intellectuelle, ainsi qu'aux politiques en matière de propriété intellectuelle. Il travaille sur un certain nombre de projets importants, en particulier dans le domaine des biotechnologies, et à ce titre a organisé un certain nombre de workshops à travers le monde : Raleigh (USA) et Florence (Italie) en 2004; Montréal et Florence en 2005; Buenos Aires en 2006.



Parmi les nombreux projets portés par le CIPP, celui qui a le plus attiré mon attention répond à l'acronyme GMPI (Groupe de Modélisation en Propriété Intellectuelle). Ce projet est exemplaire pour trois raisons. D'une part il est international et transdisciplinaire (droit, gestion, économie, philosophie, etc.); or l'on connait la difficulté à travailler en équipe pluridisciplinaire chez les professeurs (notamment à cause des différences dans les systèmes d'évaluation). D'autre part ce projet fait l'objet d'un financement de plusieurs millions de dollars canadiens(financement public, mais qu'il fallait réussir à décrocher). Enfin, sur le fond du projet, il a pour objectif d'aboutir à une cartographie des variables concourant à la formation des systèmes de propriété intellectuelle dans le monde. Ces variables interagissent entre elles (par exemple "plus de reconnaissance des droits de propriété" va entraîner "plus d'incitation à investir"). Le nombre de variables est impressonnant. L'ensemble donne une sorte de carte des variables, contenant toutes les connections existant entre les unes et les autres. A titre d'anecdote, cette gigantesque carte est épinglée sur le mur de l'une des salles de travail du Centre, ce qui permet de pouvoir visualiser l'ensemble à tout moment. L'un des objectifs de cette analyse systémique est d'aider à mieux comprendre le fonctionnement pratique des régimes de propriété intellectuelle, et de réfléchir sur les régimes les plus efficaces.



Le CIPP s'intèresse aussi aux problématiques liées au Web 2.0. Je recommande à tous ceux qu sont intéressés par ce domaine d'aller regarder la vidéo d'une remarquable conférence organisée par le centre, et intitulée : Musical Myopia, Digital Dystopia : New media and copyright reform.
Le lendemain, j'ai eu le plaisir de prendre un long breakfast avec Steven Appelbaum. Ce dernier est professeur à Concordia University, au sein de la John Molson School of Business. Steven Appelbaum est spécialisé en Organizational Development. Il est un chercheur et enseignant très réputé dans son domaine, avec de nombreuses récompenses pour ses travaux. Notre discussion a été fort diversifiée; nous avons même discuté politique. Je remercie très sincèrement Steven pour ses conseils avisés en matière de publication d'articles dans des revues internationales en management. Un certain nombre d'entre elles semblent bien plus ouvertes qu'on ne peut le penser de prime abord, et pourraient être intéressées par des travaux à l'intersection entre le droit et la stratégie.

mercredi 18 juillet 2007

Rencontres à Montréal : avocats et professeurs


Mon séjour à Montréal a été riche en rencontres. J'ai d'abord eu le plaisir de rencontrer longuement Maître Jacques Lemieux, avocat associé au sein du cabinet Desjardins Ducharme, cabinet implanté à Montréal et à Québec, et multidisciplinaire en droit des affaires. Maître Lemieux est spécialisé dans la mise en place d'alliances stratégiques et en fusion-acquisitions. De son point de vue, la gestion des risques par le Droit, peut être conçue comme étant la recherche du juste équilibre entre la solution optimale et la meilleure solution. Indépendamment du secteur d'activité des entreprises, certaines sont plus proactives que d'autres en matière de risque juridique. C'est en tout cas ce que son expérience lui permet d'observer. Il me développe un cas sur lequel il travaille, celui d'une entreprise installant une usine en Inde, et qui doit prioritairement veiller à la sécurité juridique de cette implantation (titre de propriété, mesures de protection). Il y a selon lui des éléments immuables en terme d'actifs et d'investissements.
Nous abordons ensuite la question des droits de propriété intellectuelle. Dès lors que les ressources intangibles constituent sans contestation aucune les sources premières des avantages concurrentiels, la capacité de l'entreprise à gérer les risques liés à sa capacité d'innovation est fondamentale. Maître Lemieux insiste sur le fait que, par exemple, il ne sert à rien de bénéficier d'un portefeuille de brevets si on a pas la capacité à le surveiller, à l'exploiter, à le développer.

De manière plus générale, le risque juridique est selon lui une véritable question de culture d'entreprise. La typologie à laquelle il a recours est extrêmement intéressante. Pour lui, il existe 4 segments d'entreprises : celles qui valorisent le rôle du droit et l'intervention du juriste; celles qui reconnaissent leur importance mais les perçoivent comme un "mal nécessaire"; celles qui n'ignorent pas l'importance du droit dans certains cas, mais l'intègrent par obligation; et enfin celles qui ne reconnaissant par son importance, et considèrent sa prise en compte (et le recours aux juristes) comme étant trop coûteuse. Il note que pour les dirigeants et les managers, la prise en compte du paramètre juridique est souvent fonction de l'expérience de chacun, y compris dans sa vie familiale. Cet élément psychologique peut avoir pour effet qu'ils ne voient pas la valeur ajoutée possible du juriste, mais tout au contraire le fait que le droit peut être destructeur de valeur.

Sur la question (maintenant traditionnelle) des rôles respectifs du juriste interne à l'entreprise et du juriste externe, Maître Lemieux considère que c'est une question délicate. La collaboration est dans certains cas exemplaire. Dans d'autres, le juriste interne essaie de se préserver le plus grand territoire possible, dans la mesure où un dossier relevant d'un projet important pour l'entreprise peut lui permettre de se mettre en valeur. Maître Lemieux juge aussi capitale la capacité du juriste à revenir, lorsque c'est nécessaire, vers les opérationnels (par exemple la direction des ventes), afin d'instaurer le dialogue nécessaire à la meilleure compréhension de la situation. Bref, le contraire du juriste "empêcheur de tourner en rond".

Sans surprise, Maître Lemieux confirme l'importance, à ses yeux, de la question de la "disclosure" pour les sociétés cotées, même si le Canada ne dispose pas d'un texte aussi contraignant que la Loi "Sox" de son voisin les Etats-Unis. Il insiste sur le fait que le Québec n'a pas la même culture procédurière que les Etats-Unis; la philosopie des litiges n'est pas la même. Certes il existe aussi les dommages punitifs, mais un plafond est fixé par les tribunaux, ce qui évite bon nombre de dérapages. Le Québec a été pionnier en matière de recours collectif, mais les risques de perversion du système liés à des avocats particulièrement agressifs sont mieux jugulés, de par l'existence d'un fonds spécial géré par le gouvernement. Il me "confirme" aussi l'importance, en période de crise pour l'entreprise, de se doter d'un porte-parole, voire de plusieurs selon les situations, qui ne soient pas les avocats de l'entreprise.

La suite demain...

lundi 16 juillet 2007

It is a class action's world : suite


Suite de mon billet posté hier :

Les class actions représentent pour certains cabinets d'avocats un fruit bien juteux. Parfois même un peu trop...Des avocats associés d'un cabinet américain, Milberg Weiss & Bershad, sont en effet en train de se débattre avec la justice américaine. Ce cabinet s'est doté d'une forte réputation dans le domaine des class actions, notamment au profit d'actionnaires mécontents de la gestion de sociétés dans lesquelles ils étaient impliqués. David Bershad, l'un des managing partners d'origine, a plaidé coupable du délit de conspiration en vue de faire obstruction à la justice. L'un des autres partners initiaux, Steven Schulman, a plaidé pour sa part non coupable. Le procureur espère pouvoir engager aussi des poursuites à l'encontre de deux autres avocats partculièrement réputés en matière de class actions : Melvyn Weiss et Bill Lerach. Cela fait sept ans que le gouvernement américain mène une investigation portant sur les pratiques de ces avocats. Selon le procureur, certains avocats auraient rémunéré certains individus afin qu'ils soient "lead plaintiffs" dans de nombreuses class actions gérées par le cabinet. Les sommes ainsi versées pourraient se monter à 11 millions de dollars US, le cabinet ayant reçu au cours de ces 20 dernières années plus de 200 millions de dollars US en honoraires dans le cadre de class actions ! Un bel exemple de risque juridique attisé par un acteur y trouvant un intérêt direct, qui se retourne contre ce dernier...Pour plus d'informations, voir notamment le site d'insurance journal.

Bien évidemment, il arrive que les juges rejetent les requêtes en recours collectif (class action). La Cour Suprême du Canada vient de rejeter une class action engagée par un groupe de défense des intérêts des consommateurs en mai 2003 (eh oui, il n'y a pas qu'en France que certaines procédures peuvent prendre un temps certain à l'égard de la société Dell. Il était reproché à Dell d'avoir affiché en ligne des prix de revente largement inférieurs au prix réel auquel la société revendait ses produits. Le contrat en ligne "proposé" par Dell contenait une clause d'arbitrage. Selon le demandeur, cette clause ne pouvait être valable, dès lors qu'elle empêchait tout recours collectif. La Cour Suprême du Canada a donc considéré que la clause trouvait à s'appliquer, nonobstant un changement récent dans la législation québecoise. Pour plus de développements, voir notamment le site canadien branchezvous.com.




dimanche 15 juillet 2007

It is a class action's world !

Une petite photo prise ce matin...Pas de rapport particulier avec ce qui suit...

Comme je l'ai évoqué dans un bllet précédent, les class actions alimentent beaucoup les chroniques judicaires en Amérique du Nord. J'ai ainsi pu voir publié, dans un grand quotidien américain, une note d'information du public dans le cadre d'une plainte déposée (sous la forme d'une class action) devant le "Circuit Court of Shelby County, Tennessee, for the Thirtieth Judicial District at Memphis). Cette plainte a été déposée par Glenda Wale, à l'encontre (notamment) des sociétés Bayer AG et Bayer Corporation. Le fondement de cette plainte réside pincipalement sur des accords passés entre entreprises en vue de fixer le prix de "rubber chemicals" utilisés dans la fabrication de certains produits, tels que les pneus pour automobile. Selon le plaignant, ces accords ont eu pour résultat que les consommateurs des produits contenant ces "rubber chemicals" ont payé un prix plus élevé que celui qu'ils auraient versé sans l'existence de cette entente. D'autres plaintes identiques ont été déposées dans d'autres Etats (notamment Floride, Michigan, New York). La class action est menée par plusieurs cabinets d'avocats, dénommés "class counsel", et ayant été retenus par le juge.

Les entreprises en cause, bien que réfutant toutes les allégations présentes dans la plainte, ont toutefois proposé une somme d'argent en vue d'aboutir à un réglement du litige (2 millions de dollards pour l'une, 1,7 million de dollars pour l'autre). Le class counsel précise bien qu'en cas d'acceptation de la proposition de réglement par le juge, tous les "membres" du "settlement class" ne pourront plus engager leur propre action à l'encontre des entreprises en cause, et que le class counsel sera rémunéré, le montant de cette rémunération ne pouvant pas excéder 1/3 des montants proposés par les entreprises, à laquelle il convient d'ajouter le remboursement des dépenses (ne pouvant excéder 100.000 $ plus les intérêts). Les fonds restant seront versés à des organismes à but non lucratif, ayant pour objet la promotion de la défense de la concurrence sur le marché et la protection des consommateurs. Le class counsel est convaincu que cette proposition de réglement est loyale et raisonnable. Tout objectif de distribuer les fonds aux membres individuels de la class action présenterait des coûts administratifs prohibitifs, qui absorberaient l'ensemble des fonds.

La publication dans la presse de cette proposition de réglement a en fait pour objectif d'informer le public, et plus particulièrement tous les consommateurs concernés, en leur énonçant que leurs droits peuvent être affectés par la proposition de réglement de la class action. Les membres de la class action sont donc confrontés à plusieurs options : participer au réglement; demander à être exlu du settlement class et des réglements; rester dans la class action, tout en formulant des commentaires en faveur ou en défaveur de la proposition de réglement.

Ce cas est passionnant en terme d'agrégation et d'évaluation des risques. En effet, trois types de risques "micro" sont en jeu. D'une part ceux des consommateurs, qui ont à décider s'ils participent ou pas au réglement; d'autre part ceux des entreprises en cause qui doivent décider si elles proposent un réglement pour éviter à la class action de prospérer ou si elles assument une avancée du litige; enfin, ceux des avocats qui ont engagé des frais pour la gestion de la class action.

Je reviendrais demain sur les "à coté" des class actions, avec une procédure pénale actuellement en cours à l'encontre de certains avocats qui ont eu recours à des procédés douteux pour développer leur leadership en matière de class actions