samedi 28 avril 2007

Sanofi-Aventis, un cas d'école


Comme nous l'avons conclu dans le post précédent, la performance juridique ne consiste pas uniquement à déposer un brevet lorsqu'il est censé être l'outil de protection le plus adéquat. L'entreprise doit aussi être capable de défendre son brevet et d'étendre au maximum sa portée. Dans des secteurs tels que l'industrie pharmaceutique, la question est capitale, et le cas de Sanofi-Aventis tout à fait révélateur.
Le brevet détenu par Sanofi-Aventis sur le Plavix est en effet contesté par un génériqueur canadien, Apotex. En attente d'une décision du juge sur la validité du brevet, Apotex a inondé le marché avec son produit générique. Le chiffre d'affaires de Bristol-Myers-Squibb, qui vend en commun avec Sanofi-Aventis le Plavix sur le marché américain, s'en trouve sérieusement atteint. En effet, le Plavix repésente environ 1/3 de son C.A. Les analystes financiers prévoient des pertes conséquentes pour les acteurs pour lesquels la décision du juge serait défavorable. Sanofi-Aventis doit également encaisser le choc de la fin de sa protection sur le Stilnox, le brevet arrivant à expiration aux Etats-Unis.

Dans de telles contextes, l'entreprise doit anticiper les risques, sous peine de voir sa performance sur le marché sérieusement écornée. D'une part, se doter d'un process de gestion du cycle de vie de l'innovation. Ainsi Sanofi-Aventis remplace le Stilnox par un nouveau produit, bien évidemment tout autant protégé par le brevet. Quant au Plavix, il faut espérer que Sanofi-Aventis a suffisamment exploité la rente que lui a conféré ce produit. Du point de vue d'Apotex, il est raisonnable de penser que l'entreprise a mené ses calculs profit réalisé / conséquences financières si le brevet n'est pas remis en cause, et l'on peut penser que le ratio est positif...
On comprend pourquoi de nombreuses entreprises se dotent de portefeuille de brevets conséquent. En effet, les échecs subis sur certains doivent pouvoir être (largement) compensés par les réussites obtenues avec d'autres. Chaque performance "individuelle" n'a de sens que rapportée à la performance globale.

La contestation de brevets peut être une arme redoutable, et le risque afférent doit être totalement intégré dans la gestion du risque d'innovation par l'entreprise innovante. Encore récemment, une société clermontoise, Metabolic Explorer, voit la demande de brevet qu'elle a effectuée sur des procédés de biosyntèse, contestée par la société Heurisko. L'attaque vient d'autant plus au mauvais moment que Metabolic Explorer s'apprête à entrer en bourse.
Quant à Microsoft, la firme de Redmond a été condamnée à payer 1,5 milliard de dollars à Alcatel Lucent pour violation de brevets relatifs à la norme de compression MP3. On notera au passage qu'un porte parole d'Alcatel Lucent a déclaré : "Intellectual property is a core asset of the company". Dans une autre affaire opposant les mêmes protagonistes, la même juridiction, décidemment bien mise à profit, vient de rejeter la demande d'Alcatel (brevets déposés dans le domaine de la reconnaissance vocale).

Pour terminer, il est intéressant de rappeler que les sommes en jeu sont parfois colossales, et les enjeux stratégiques majeurs. On ne peut donc s'étonner que certaines entreprises se soient spécialisées dans la contestation de brevets ou que certaines personnes (pour le "fun" ...) s'attachent à faire annuler certains brevets. Le blog de Peter Calveley, qui tente de faire annuler le brevet déposé par Amazon sur son fameux "one click", est à ce titre fort intéressant.

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